12/1997
Caractéristiques des conférences de consensus
Quatre aspects des conférences de consensus sont d'une importance particulière dès lors qu'il s'agit de leur applicabilité en tant que modèle de participation citoyenne : le type de thèmes à choisir, la formulation des questions par le panel lui-même, le dialogue entre le panel et les experts et les recommandations consignées dans le rapport final.
1. Les thèmes des conférences
Les conférences de consensus s'occupent de thèmes dont la caractéristique est de souligner une incertitude scientifique centrale. Les thèmes des conférences doivent être à la fois d'intérêt public et faire l'objet de controverses aussi bien dans la communauté scientifique que dans la société en général. Pour autant, le sujet doit être bien défini, et il doit exister des données scientifiques suffisantes pour éclairer le débat.D'un point de vue stratégique, il est important que les conférences puissent susciter l'intérêt des hommes politiques, comme d'ailleurs de toutes les parties concernées. A cette fin, il faut trouver un juste milieu à la fois du point de vue du caractère polémique du débat (si le sujet choisi ne l'est pas assez, il n'intéressera personne, s'il l'est trop, tout le monde aura déjà fait son opinion) et du point de vue du temps (le débat ne doit venir ni trop tôt, ni trop tard).
2. La formulation des questions
Les thèmes des conférences de consensus sont formulés en termes généraux ('Pollution de l'air', 'Thérapie génique', etc.), ce qui laisse la possibilité ouverte pour le panel de citoyens de choisir ses propres angles d'approche et ses propres priorités, sur la base de la documentation qui leur est distribuée au préalable. Cette documentation pouvant toutefois, étant donné que les participants n'ont souvent aucune connaissance préalable du thème, influencer fortement les formulations du panel, il faut faire en sorte que ces documents soient les plus équilibrés possibles. Dans le cas norvégien, on a tenté d'éviter ce risque en demandant à des représentants de groupes d'intérêts de donner leurs commentaires et leurs suggestions sur la documentation préalable préparée par les organisateurs, aussi bien que les noms des experts qu'ils souhaitaient voir invités à la conférence. Dans le même ordre d'idées, il est essentiel que le modérateur de la conférence soit quelqu'un de qualifié, qui influence le moins possible le déroulement du processus.
3. Les exposés des experts et le dialogue
D'habitude les organisateurs de la conférence répartissent les questions formulées par le panel entre les experts. Pour les questions factuelles ou empiriques, on se contente de l'exposé d'un seul expert, mais pour les questions impliquant des jugements de valeur (ou les questions particulièrement importantes en général), on en invite plusieurs (jusqu'à cinq dans pour la question "Qui doit définir les termes 'développement soutenable' et 'bénéfice social' ?" en Norvège). Il est important de noter que les Danois ont une conception très large de qui est ou n'est pas 'expert' : ils rangent sous cette catégorie, outre les experts scientifiques, les représentants de groupe d'intérêt, des administrations et du monde de l'art. Cette pratique contribue à élargir la perspective du panel des citoyens sur les questions scientifiques et sociales. Pour éviter que les conférences ne reproduisent de manière déguisée les 'rituels de l'expertise classique', où les scientifiques se cantonnent dans leur position dominante de diseurs de vérité absolue, il est important que le panel des citoyens reçoivent une formation qui non seulement leur donne une vision claire du sujet, mais également de la manière dont les experts ont l'habitude de l'aborder. D'une manière générale, le modérateur devra faire très attention à la qualité du dialogue entre le panel et les experts, en s'assurant que les deux côtés se comprennent bien.
4. Les recommandations du rapport final
Les conférences de consensus doivent fournir aux participants l'occasion d'informer les hommes politiques et les preneurs de décisions de leurs réflexions. Cela se fait surtout à travers la diffusion du rapport final, un document de 15-30 pages qui aborde avec la même attention les avantages et les désavantages des nouvelles technologies. La 'compréhension évaluative' du sujet par le panel de citoyens est en général sensiblement différente de celle des experts, et elle permet aux décideurs de mieux prendre en compte les aspects éthiques et culturels de l'appropriation sociale des technologies. Les citoyens peuvent aussi se révéler mieux à même de gérer l'incertitude scientifique et de la traduire en recommandations.
5. Autres aspects à considérer
* La "position privilégiée" du panel. Il ne s'agit en aucun cas dans les conférences de consensus de dire que c'est le panel de citoyens qui aura toujours raison en dernière instance. Pour éviter cette ambiguïté, il est important d'inclure dans le rapport les avis des experts, y compris s'ils disent que le panel s'est complètement fourvoyé.
* La représentativité. Le panel de citoyens n'est en aucun cas représentatif de la population entière. Mais alors quelle valeur accorder à son avis ? Il s'agit là encore avant tout d'une question de crédibilité et de confiance : le panel ne doit pas apparaître comme coopté en fonction d'intérêts particuliers. Il est essentiel que les participants, même pris parmi la minorité de la population qui s'intéresse réellement aux problèmes de technologies, soient sélectionnés selon de critères de neutralité et de désintéressement. On peut également envisager, toujours pour éviter que l'avis du panel apparaisse comme une expression trop particulière, la tenue simultanée de plusieurs conférences.
* Les autres moyens de communication. Outre la publication du rapport final, la couverture médiatique de la conférence permet aux décideurs et au public en général de se faire une idée des enjeux principaux et des différents points de vue exprimés. Il pourrait également permettre de porter plus l'attention sur le processus que sur les résultats.
* Qui organise les Conférences ? L'impact des conférences dépend aussi de la crédibilité des procédures et de l'organisation. Une fois de plus, il s'agit de trouver un juste milieu entre une trop grande proximité avec les institutions politiques ou scientifiques (qui ferait douter de l'indépendance des conférences) et une trop grande extériorité (qui poserait des problèmes de légitimité et d'impact sur le monde politique).
Source : Jon Fixdal, "Consensus conferences as 'extended peer groups'", Science and public policy, décembre 1997.
Voir aussi : XIX - De l'organisation des Conférences de Citoyens
Jacques POULET-MATHIS - FPH (Fondation Charles Léopold Mayer) 11/02/1998
Débats publics sur les choix technologiques
L'expérience danoise
Au Danemark, les "conférences de consensus" réunissent un panel de profanes pour dialoguer publiquement avec des experts après une longue période de préparation, dans le but d'élaborer des documents d'évaluation des choix de technologies.
Depuis 1987, une dizaine de conférences de consensus ont été organisées au Danemark.
En 1993, les Pays-Bas, puis la Grande-Bretagne ont, à leur tour, expérimenté la méthode.
Leur but est de placer les citoyens au centre d'un processus d'évaluation sur les enjeux et les choix technologiques. Elles prennent la forme d'un dialogue organisé entre un panel de profanes et un panel d'experts au cours d'une conférence tenue en public. Le but est d'aboutir à un avis du panel de profanes largement médiatisé.
L'organisation de ces conférences repose sur des groupes organisés et bien identifiés (plus un médiateur).
Le comité d'organisation assume la responsabilité de l'ensemble du processus et en garantit la bonne tenue. Il recrute le panel de profanes, nomme le coordinateur chargé de suivre ce panel, prépare et organise les réunions intermédiaires, recrute les experts qualifiés, met en oeuvre le plan de communication pour une couverture médiatique, et organise enfin la conférence publique.
Le panel des profanes est constitué à la suite d'un appel à candidatures par voie de presse. Parmi les réponses écrites reçues, est sélectionné un groupe de 10-15 personnes variées tant par l'âge, le sexe, l'éducation ou le profil professionnel. La sélection ne vise pas la représentativité par rapport à la population générale... Ce panel est invité à participer à un processus long (4 à 6 mois) d'acquisition de connaissances et d'approfondissement de la question en examen. Une documentation variée leur est fournie à cet effet.
Le panel des experts est constitué de 12 à 15 experts (scientifiques, ingénieurs, juristes, économistes, sociologues) choisis par le comité d'organisation avec l'accord du panel des profanes. Leur rôle est de répondre, pendant la conférence publique aux questions du panel des profanes, qui leur ont été communiquées à l'avance.
La qualité des échanges entre profanes et experts repose bien entendu sur le sérieux et le temps de préparation. C'est ainsi que le panel des profanes est appelé à dégager et hiérarchiser les questions auxquelles les réponses apportées par les experts vont lui permettre d'élaborer un avis.
La conférence publique est le point d'orgue du processus. Animée par un président de séance, elle se déroule pendant 3 jours, en présence et avec la participation du public. Le premier jour, les experts répondent aux questions du panel des profanes. Le deuxième jour, la matinée est consacrée à des questions complémentaires, tant du public que du panel des profanes. Puis le panel des profanes se réunit pour élaborer le document final qui privilégie la recherche du consensus sur les questions en débat. Le troisième jour, après la lecture publique du document final, les experts peuvent intervenir pour corriger une imprécision ou une erreur factuelle, mais sans droit à influencer les opinions exprimées.
Une première "conférence de consensus" devait être organisée en France en mai-juin 1998 sur les organismes génétiquement modifiés (OGM) ("Le Monde" du 14 Janvier 1998)
De même, le Technology Assessment Suisse organise en Mai 1998 une conférence de consensus, appelée Publiforum, sur le thème "l'énergie et l'électricité".
Source : Périodique, audiovisuel. Dominique Donnet Kamel, Archimède et léonard, "Science, pouvoir et démocratie. Colloque en hommage à Martine Barrère", AITEC, janvier 1998.
Dominique Donnet-Kamel, chargée de communication à l'INSERM (Institut National Supérieur d'Etudes et de Recherche Médicale) est membre du Comité de pilotage de la première "conférence de consensus" organisée en en Mai-Juin 1998. Contact : FPH. 38, rue saint-Sabin, 75011 paris. Tél : 01 43 14 75 75. Fax : 01 43 14 75 99.
L'impact des conférences de consensus au Danemark
L'analyse de l'impact des conférences de consensus montre que, dans
la cas danois, la participation des citoyens aux évaluations de technologies
doit être comprise comme un mécanisme de
facilitation de, plutôt qu'un substitut à, l'évaluation
des technologies et la prise de décision par les institutions représentatives;
et qu'elle est d'autant plus efficace qu'elle s'appuie sur une société
civile forte et structurée.
Pourquoi introduire des mécanismes participatifs
dans les procédures d'évaluation de technologies
? On peut y voir à la fois le développement dans ses ultimes conséquences
du concept même d'évaluation de technologies, qui a toujours signifié
la prise en compte équilibrée de tous les aspects de l'impact
des choix technologiques sur la vie sociale (prise en compte globale qui, dans
cette perspective, ne pourrait être légitimement achevée
que par la participation du 'simple citoyen', à la fois désintéressé
et concerné par tous les aspects de la question) et une réaction
à une approche trop institutionnelle, voire technocratique, de l'évaluation
de technologies.
Toutefois, les expériences ayant réussi à faire sortir
l'évaluation de technologies de sa sphère traditionnelle restent
relativement rares. Il était intéressant dans cette optique d'étudier
l'impact du modèle d'évaluation participative
de technologies développé au Danemark,
celui des conférences de consensus. Ce modèle, qui existe maintenant
depuis près de 15 ans et a été mis en uvre près
d'une vingtaine de fois, est internationalement reconnu, et a inspiré
des expériences similaires en Norvège,
aux Pays-Bas, au Royaume-Uni,
en Suisse et en France.
Une conférence de consensus est une enquête
publique de 4 jours qui réunit un groupe de 10 à 16 citoyens
chargés d'évaluer un sujet socialement sensible dans le domaine
de la science et de la technologie. A la suite d'une délibération
extensive, ces profanes posent leurs questions à un panel d'experts (parmi
lesquels des représentants de groupes d'intérêts), évaluent
leurs réponses, puis délibèrent entre eux. Le résultat
de cette délibération est rendu public à la fin de la conférence
sous la forme d'un rapport écrit, qui est
ensuite adressé à des parlementaires, des scientifiques, des groupes
d'intérêts et des membres du public. L'engagement actif dans la
discussion de profanes, d'experts et de représentants de groupes d'intérêts
permet que les sujet considérés soient évalués au-delà
d'un contexte purement scientifique, jusqu'à inclure des considérations
économiques, légales, éthiques, etc.
L'objectif principal des conférences de
consensus est explicitement de contribuer dans un même temps à
la prise de décision politique et au débat
public. Une étude quantitative et qualitative a été
menée en 1995-1996 pour tenter d'avoir une vision plus précise
de l'impact des conférences de consensus à ces deux niveaux, en
interrogeant à ce sujet des parlementaires et un échantillon du
grand public. Plutôt que d'essayer d'obtenir des données sur l'impact
particulier de telle ou telle conférence sur tel sujet déterminé,
il a été choisi de faire porter l'enquête sur leur perception
des conférences de consensus en général.
L'impact sur les prises de décision au Parlement
danois.
Au niveau du Parlement, la première chose à considérer
est le lien étroit entre les conférences de consensus et le développement
du Comité de Technologie (l'instance parlementaire
chargée de l'évaluation de technologies). Il est intéressant
de noter que, tandis qu'à l'origine la création de ce comité
avait rencontré une forte opposition de la part du centre-droit, qui
y voyait un instrument coûteux et inutile, sinon risquant de remettre
en cause le progrès et le développement du pays, aussi bien le
comité et les conférences de consensus ont été amenées
peu à peu à faire l'objet d'un consensus quasi général
des parlementaires.
L'enquête montre qu'il n'y a plus de différences sensibles sur
cette question entre les différents partis : les conférences de
consensus sont très bien connues, et il y a même un consensus relatif
sur leur intérêt et sur leurs objectifs.
Les quatre motifs d'intérêt principaux
indiqués par les parlementaires interrogés sont :
- la difficulté à obtenir des informations équilibrées
sur les sciences et les technologies. De manière plutôt surprenante,
ils se montrent méfiants à l'égard des manières
traditionnelles d'obtenir de l'information - rapports d'experts, médias,
etc. - et font plus confiance aux conférences pour obtenir une vision
équilibrée et détaillée de l'ensemble d'un sujet
;
- le besoin de dialogue entre les parlementaires et les citoyens (il est important
que les parlementaires écoutent les réactions des citoyens et
puissent y réagir) ;
- la nécessité de prendre en compte les dimensions sociales de
la science, et non de se baser uniquement sur les préoccupations des
scientifiques ;
- la compatibilité de l'évaluation de technologie avec les procédures
parlementaires (les rapports des conférences comme des instruments utiles
dans le processus de prise de décision, que ce soit au niveau personnel,
au niveau des débats internes aux partis ou dans les procédures
parlementaires).
Les parlementaires interrogés s'accordent pour dire que la plupart des
conférences de consensus ont eu un certain impact
sur les débats parlementaires et les processus de prise de décision.
L'étude des Actes du Parlement montre que,
parmi les 13 conférence s qui se sont tenues entre 1987 et 1995, 8 ont
été mentionnées durant les procédures. Ces mentions
sont de trois sortes :
- un parlementaire pose une question à un ministre à la suite
de la publication d'un rapport.
- il est fait mention d'un rapport au cours d'un débat
- au moins dans un cas (la conférence sur le génome humain), la
publication du rapport conduit directement à l'adoption d'une nouvelle
législation.
L'impact sur le débat public reste
difficile à cerner, car irréductible à des paramètres
mesurables. On peut toutefois distinguer deux types d'impact : l'influence directe
(via une couverture médiatique en général assez bonne)
et l'influence indirecte (via la prolifération de débats régionaux
et locaux sur le même sujet que les conférences). Le second type
d'influence est sans doute le plus important car il ne s'agit plus seulement
de diffuser une information, mais aussi de mettre en uvre des processus
de délibération sociale plus larges que le seul panel retenu pour
la conférence.
Le sondage réalisé montre ainsi que les conférences de
consensus sont relativement connues dans le grand public. Pour les parlementaires
interrogés, les conférences de consensus ont contribué
à élever le niveau de compétence scientifique et technique
de la population danoise et (par conséquent ?) à rétablir
une certaine confiance publique vis-à-vis
des politiques sur les problèmes technologiques.
Le succès relatif des conférences
de consensus quant à leur objectif de susciter un processus extensif
de débat public sur les technologies tient sans doute à la culture
danoise, marquée d'un côté par une société
civile très forte et structurée, ayant l'habitude de se mobiliser
sur des sujets particuliers, et de l'autre par un État qui a l'habitude
de s'appuyer sur cette société civile, voire même d'en appeler
au débat public.
Source : Simon Joss, "Danish consensus conferences as a model
of participatory technology assessment : an impact study of consensus conferences
on Danish Parliament and Danish public debate", Science and Public
Policy, 25 - 1er février 1998. Le présent texte est une compilation
de différents extraits de cet article.
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