L'Atelier de Travail Urbain de Grande Synthe
a réussi à faire vivre un espace de débat
fondé sur la partage des compétences et l'élaboration d'un
langage commun entre techniciens et habitants, sur le thème de l'aménagement
de l'espace public, devenu (avec la restructuration du monde du travail)
le lieu essentiel de la socialisation et de l'apprentissage de la citoyenneté.
La Ville de Grande Synthe dans l'agglomération de Dunkerque a mis en
place une Mission pour un Développement durable chargée d'un projet
d'agenda 21. L'effort portera dans un premier temps sur la sensibilisation des
services municipaux et des élus, avec une attention particulière
à la participation des habitants.
Depuis 1994, il existe à Grand Synthe un Atelier de Travail Urbain (ATU),
processus participatif expérimental sur l'aménagement urbain qui
avait été proposé par l'Agence d'Urbanisme et de Développement
de la Région Flandres-Dunkerque, quand une étude faisait apparaître
la forte implication des habitants par rapport au développement d'ensemble
de la commune.
Rencontre d'acteurs de tous les horizons
Dans l'ATU se réunissent les élus de Grande Synthe, les techniciens
de l'aménagement, architectes ou paysagistes privés, des agents
communaux des services techniques ou du service du développement des
quartiers, des agents de la communauté urbaine, des représentants
des organismes bailleurs, des urbanistes de l'Agence d'Urbanisme, des habitants,
initialement représentants d'associations préoccupées par
les questions de logement ou d'environnement, le Conseil des Sages..., et enfin,
depuis 1995, aussi des habitants sans mandat particulier. Les rencontres sont
organisées et animées par un professionnel du bureau "Arpenteurs".
Un chercheur de l'Université de Louvain la Neuve travaille sur une évaluation
permanente de l'expérimentation.Le site privilégié de l'action
de l'ATU a été d'abord celui du réaménagement des
espaces extérieurs de la ville qui ont particulièrement souffert
du fait de démolitions très importantes, laissant en déshérence
des territoires démesurés. Après un fonctionnement d'une
année, l'ATU a maintenant pour mission d'intervenir sur l'ensemble des
quartiers de Grande-Synthe, et de coordonner tous les projets particuliers,
en harmonie avec le projet urbain global qu'il
définit.
Trouver un langage commun entre techniciens et non-spécialistes
Le travail initial de l'ATU fut de constituer un mode d'échange entre
les différents acteurs. L'expérience a montré l'importance
primordiale du problème de langage : c'est par le langage que s'établissent
bien souvent les bases d'une reconnaissance de
compétences. Il ne s'agit pas de gommer les différences de culture
et de points de vue, mais bien de tenter de constituer, sur le principe d'une
formation réciproque, un langage spécifique
au groupe.
Quel travail en groupe ?
Rien de mieux, pour éduquer le regard que de voyager : le groupe a visité
des opérations en Belgique, dans le bassin minier et à Grande-Synthe
même. Il a travaillé sur des exercices de compréhension
des échelles et des dimensions à partir d'exemples connus de tous
; il a réfléchi sur les rôles et les fonctions de l'espace
public : s'isoler, se rencontrer, se montrer, s'asseoir... Il a ensuite
inventorié les matériaux de l'espace public, le végétal,
l'eau, la lumière..
Le premier travail sur l'espace de la ville a été de faire un
relevé des parcours piétons et cycles
privilégiés et de bâtir une cartographie des cheminements.
C'est cette carte qui deviendra le fond de plan du "programme"
du projet urbain, introduisant ainsi l'usage quotidien
de l'espace comme trame de structure et de liaison.
Mais l'ATU ne part pas de zéro, ne fait pas table rase. Son ambition
est de rétablir une cohérence globale
et comprise par le plus grand nombre dans les projet en cours ou à venir
Ainsi sont alternés des moments de travail intense, la réflexion
sur le plan et la présence sur le terrain, en testant des options par
des marquages à échelle réelle in situ, avec comme principal
objectif de construire peu à peu les liens entre les différents
projets.
L'année 94 a été conclue par la présentation d'une
exposition itinérante, dans un bus, ouverte
à tous. Plus qu'un exposé sur les projets, cette exposition proposait
une formule interactive de compréhension
de la démarche, mettant les visiteurs en situation
de jeu sur des questions d'espace public et d'usage de l'espace, accompagné
par des "écouteuses" recueillant la parole de chacun. Le succès
de cette action (plus de 1100 personnes en une semaine) a contribué à
faire évoluer fortement l'ATU qui a dû faire face à une
demande de participation de plus en plus importante
d'habitants.
Il est aussi significatif d'un intérêt nouveau des habitants pour
l'espace public urbain, intérêt qui confirme l'importance
de celui-ci comme lieu de la constitution du lien social,
à l'heure où le monde du travail ne peut plus autant remplir ce
rôle.
Un espace où s'invente une nouvelle forme de
démocratie
Bien que l'ATU soit maintenant affiché comme outil
permanent, les nombreuses questions que soulève son fonctionnement
en font encore un outil expérimental et
de recherche sur la démocratie locale, le fonctionnement du service public,
la gestion de la complexité participative.
Il faut dire que peu de projets concrets ont encore abouti. Aucune obligation
de résultat ou d'échéance n'était affichée
par les élus au début de l'expérimentation et ceci a permis
de prendre le temps à chacun de tester la confiance qu'on pouvait accorder
au processus. Le temps de vérifier que ce qui se disait à l'ATU
était réellement pris en compte, que les débats étaient
réellement retranscrits et transmis vers les instances de décision,
que chacun avait la possibilité de s'exprimer au même titre que
les autres, que le processus était durable avec un calendrier connu de
tous, etc.
C'est sur cette base qu'avancent maintenant les projets et que peuvent d'ailleurs
être gérés des conflits très intenses mais qui ne
remettent plus en cause la valeur ou la légitimité
de l'outil de débat qu'est l'Atelier de Travail Urbain. Au bout de 4
années de fonctionnement, les partenaires repositionnent maintenant les
enjeux de l'Atelier de Travail Urbain au delà de la participation à
l'élaboration des projets de la commune en matière d'aménagement
urbain.
Les questions en jeu actuellement sont :
- l'ouverture vers de nouveaux publics, par exemple
les enfants, les jeunes, les populations d'origine maghrébine,
- l'évolution nécessaire du Service Public
municipal qui doit s'organiser, à l'image du processus de participation,
en transversalité et en transparence entre les différentes directions.
Il est maintenant clair pour chacun que ce lieu est avant tout un "espace
public de débat" où chacun se forme et invente une nouvelle
forme de démocratie. L'ATU est devenue une "école de la
vie" qui confirme à chacun des participants son rôle de
citoyen et lui propose d'être acteur
d'une expérimentation à la démocratie participative.
Source : Compte-rendu de colloque. 'Habitat II, actes du colloque à
Lyon, le 4-6 décembre 1995', FNAU. L'article a été réactualisé
le 7.1.1997.
Contact : Pierre Mahey, Arpenteurs, 9, place des Ecrins, 38600 Fontaine,
France.
Hans WIRZFNAU (Fédération Nationale des Agences
d'Urbanisme), Suisse 1995
Les expériences participatives dans
la région de Bâle
On peut distinguer trois manières différentes
de faire participer les habitants aux projets de développement : la
participation formelle à l'élaboration du projet, la
participation informelle des associations et
des citoyens concernés, et la participation à
la décision finale sous la forme de la votation populaire. L'exemple
d'un processus d'aménagement en Suisse montre tout l'intérêt
de combiner ces trois modes de participation citoyenne.
Il n'existe certainement pas un planificateur ou élu responsable du
développement urbain qui ne soutienne le postulat de la participation
publique. Le principe de la participation ne souffre aucune contestation.
Il est en effet plus facile - et gratifiant - de réaliser un projet
ou un plan de développement soutenu par les habitants du quartier ou
de la ville. Une autre question se pose pourtant: sous quelle forme, à
quel degré et avec quels moyens le citoyen devrait-il être impliqué
dans un processus de planification participatif ?
A priori, l'on peut penser qu'il existe autant de modèles participatifs
que de projets. D'où une multitude de solutions, mais on peut toutefois
y distinguer trois grandes familles de principes:
1) la participation "juridico-formelle" c'est à dire la possibilité
de participation prévue dans la procédure et le déroulement
du projet;
2) la participation informelle qui mobilise les habitants et les associations;
3) la participation politique, ou "système de démocratie
directe" à travers les votations populaires.
Si l'on évalue ces trois modèles sur un critère d'intervention
décisionnelle, les deux premiers modèles offrent une participation
du citoyen assez limitée. En effet, dans le premier cas, l'on a une
intervention ponctuelle (par ex. lors de l'enquête publique, puis par
l'opposition au projet par les voies judiciaires). Dans le second cas, la
situation est plus volontariste, plus consultative. Le citoyen participe au
projet, soit à titre personnel, soit comme membre d'association, sans
pouvoir de décision toutefois. Les problèmes de ce type de participation
sont connus : le principal problème est celui de la représentativité,
du choix des groupes pertinents et des "laissés pour compte"
(pas de représentant...). Malgré tout, la participation informelle
a prouvé son utilité en devenant incontournable pour intégrer
les souhaits et revendications des habitants dans les projets et plans de
développement.
Finalement, reste un troisième modèle de participation directe
de chaque citoyen à la décision politique par le moyen bien
connu du référendum ou "votation
populaire". Le verdict des électeurs est de dernier ressort,
il est final. Chacun doit le respecter (élus, planificateur). Avec
ce troisième modèle il s'agit bien d'une spécificité
suisse. La votation est l'élément structurant de la participation
réelle du citoyen à la planification des projets les plus importants.
Prenons l'exemple du projet d'Euroville
à Bâle en Suisse, il s'agit d'une restructuration globale
du quartier de la gare centrale. Le projet s'articule autour de deux objectifs
: a) le renforcement du noeud d'échanges de transports b) la création
d'un centre de services prévu pour 4500 emplois.
Les premières études ont commencé il y a 12 ans. Dès
le démarrage du projet, les responsables politiques ont investi dans
la participation des citoyens, sachant qu'une opposition trop forte renforcerait
les obstacles à surmonter (votations populaires, recours judiciaires).
D'où de nombreuses démarches initiées :
* création de cinq "groupes d'accompagnement" officiels
auprès du maître d'ouvrage, dans le cadre de la participation
formelle à la procédure : a) groupe d'accompagnement,
relations publiques b) urbanisme, architecture c) transports d) environnement
e) réseaux.
Chaque groupe d'accompagnement composé d'une douzaine de personnes
de toutes tendances, surtout du secteur privé, a pour fonction d'apporter
des avis d'experts ainsi que d'exercer un contrôle sur la qualité
des études.
* participation informelle du second type qui
implique une multitude d'associations ainsi que
d'autres groupes. Les plus importants étant les associations de quartiers
riverains, celles de transports, de commerçants, de partis politiques,
de parents d'élèves, etc. Des centaines de réunions ont
ainsi été consacrées au projet. Ces associations étant
"périphériques" au projet, il faut noter le
rôle clef joué par la grande "Association gare" pour
la promotion du projet EuroVille.
* Qui dit votation populaire exige information préalable et donc, les
campagnes d'information ont été capitales dans une participation
du troisième type: journal spécifique,
un pavillon d'expo permanente à la gare et enquêtes d'opinion
sur des propositions alternatives. Il était indispensable de créer
un climat favorable dans la population. Ce projet a en effet passé
4 fois l'obstacle d'un référendum
(1983, 1987, 1991, 1992) dans un sens favorable aux décisions souhaitées
et espérées par le maître d'ouvrage.
Que peuvent apporter ces différents types
de participation ?
* Dans le premier cas, les groupes d'accompagnement poussent à des
solutions plus différenciées, mieux argumentées, couvrant
un maximum d'aspects. Il faut pour ce faire un groupe aux origines les plus
larges, libre de ses avis et non confiné dans un rôle de "chambre
d'enregistrement", à l'écart des circuits de décision.
* Dans le deuxième cas, il s'agit d'une meilleure réponse aux
besoins et aux attentes des citoyens. Par exemple, très concrètement,
cela signifiait une extension du parking vélo de 2100 places (parking
VP de 1700 places), plus de confort et de sécurité pour les
usagers et les clients de la gare, et des plans de mesures d'accompagnement
pour les quartiers proches.
* Dans le troisième cas, après chaque votation, on a un feu
vert pour continuer le projet et faire avancer le chantier. On est en situation
de démocratie directe, et nul ne pourra dire que le projet s'est fait
contre la majorité des habitants ou en les ignorant. Il ne faut pas
s'y tromper: le vote "ne donne pas le crayon" aux habitants,
ils ne dessineront pas le projet. Ils s'exprimeront face à un projet
précis. C'est au maître d'ouvrage de gérer les modifications
à opérer et au planificateur d'apporter son savoir faire.
Source : Entretien avec Hans Wirz.Contact : Hans Wirz, Rheinstrasse
29, 4410 Liestal service de la planification des 2 Bâle - Suisse. Tel
: 41 61 925 59 43 - fax : 41 61 925 69 83.
FSM
Porto Alegre 2003, gestion participative des villes =>
(St-Denis, Nanterre, Bobigny...), et sur le site de la C6R : Villard de Lans} |
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