Maurice COSANDEY - Suisse - 1999
Publiforum : une manière d'évaluer
avec les citoyens
En Suisse, le Publiforum sur les OGM, conçu sur le modèle
des conférences de consensus danoises, a été un succès
sur le plan de la construction d'un espace de débat et de l'élaboration
de recommandations équilibrées. Reste à voir quel usage
pourra en être en fait dans les prises de décision politiques
et administratives.
Le Conseil suisse de la science a institué il y a quelques années
un programme d'évaluation des choix technologiques
(Technology Assessment - TA). Ce programme est piloté par un Comité
directeur qui a inauguré en Suisse l'idée de Publiforum sur
le modèle des Conférences de consensus développé
au Danemark dans les années 80.
Publiforum poursuit deux objectifs : d'une
part, il met en contact les points de vue qui s'expriment au sein de la société
et du public avec ceux qui caractérisent les milieux de la recherche,
politique et économique afin d'encourager une compréhension
mutuelle. D'autre part, les citoyens et citoyennes prenant part à l'exercice
reçoivent la possibilité de s'exprimer sur la problématique
soumise à discussion et d'en tirer des recommandations.
Après un premier Publiforum sur "Electricité
et Société" en 1998, le programme TA a mis en uvre
le Publiforum "Génie génétique
et alimentation" du 4 au 7 juin 1999.
Les acteurs du Publiforum sont :
- un groupe d'accompagnement formé de
représentants de l'industrie, de la recherche, de l'administration,
du monde politique, des médias et des ONG. Son rôle est de veiller
à ce que la préparation se fasse d'une manière équilibrée
entre partisans et adversaires du génie génétique.
- les personnes de référence qui
sont qualifiées pour répondre aux questions du panel de citoyens
et citoyennes. 230 personnes ont été sollicitées, 79
se sont dites prêtes à participer, 17 ont finalement été
choisies par le panel de citoyens.
- 28 personnes ont formé le panel panel de citoyens
et citoyennes. Pour les choisir un mailing a été envoyé
à plusieurs milliers de personnes invitées à participer
au Publiforum. 60 candidats ont manifesté leur intérêt.
Parmi ces 60 personnes 28 ont été sélectionnées
en veillant à former un groupe aussi équilibré que possible
du point de vue de la région linguistique, de l'âge, du sexe
et de la profession exercée.
La préparation du panel de citoyens
s'est faite au cours de deux week-ends. Lors du premier, les participants
ont pu se familiariser avec les règles du jeu et la méthode
de travail. L'idée était aussi que le panel puisse définir
les thèmes généraux à partir desquels il formulerait
ses questions. Lors du second, les membres du panel se sont mis d'accord sur
les questions à poser aux personnes de référence. (...).
Le panel a défini 12 questions à poser aux personnes de référence.
Pour chaque question le panel s'est mis d'accord pour avoir au moins deux
personnes de référence, c'est-à-dire une personne plutôt
critique et une personne plutôt favorable. Dans certains cas une troisième
personne plus ou moins neutre est intervenue.
Deux sessions ont été destinées aux auditions
des personnes de référence.
Les thèmes abordés le vendredi
4 juin ont été les suivants : recherche ; écosystème
; santé (I) ; santé (II). Une discussion générale
entre le panel de citoyens et les personnes de référence a suivi
pendant 90 minutes.Le samedi 5 juin les questions ont été :
éthique ; économie ; droit et application. Une discussion
générale comme le jour précédent a eu lieu pendant
deux heures.
Le dimanche 6 juin à huis clos le panel des citoyens a rédigé
le rapport. Celui-ci a été
présenté en public le lundi 7 juin de 10 heures à 10
heures 30. Le public a pu réagir pendant une heure. (...). Le rapport
du panel de citoyens se termine par une conclusion et recommandation
principale :"L'état actuel des connaissances scientifiques
ne nous permet pas d'exclure l'existence de risques spécifiques aux
organismes génétiquement modifiés. Étant donné
que les risques ne sont pas quantifiables nous ne sommes pas en mesure d'évaluer
leur acceptabilité. Au vu de ce qui précède, une majorité
du panel de citoyens recommande de décréter un moratoire
sur la production et la commercialisation d'organismes génétiquement
modifiés. Le but étant d'obtenir une meilleure connaissance
des risques, les recherches en plein champ délimité doivent
être admises et contrôlées (notamment par des institutions
publiques) pendant cette période."
Pour tous les participants ce Publiforum a été un succès.
Si j'étais un peu "rosse", je dirais que c'est parce que
chacun y retrouve ce qu'il y a mis. En étant plus positif, je dirai
que le politique peut quand même en tirer quelque chose.
Mais il faut là une volonté de
la part des politiques.Un exemple : le
Panel propose de permettre l'expérimentation contrôlée
en plein champ limité. L'Office fédéral de l'environnement,
des forêts et des paysages a récemment fait interdire cette expérimentation
à la station fédérale de recherches agronomiques de Changins
( ? ? ). Au vu du rapport du Publiforum, est-ce que le politique a levé
l'interdiction ? Renseignements pris, l'Office fédéral ne va
pas revenir en arrière car selon lui l'expérimentation proposée
n'était pas très originale. Comme le dicton l'exprime bien :
"Quand on veut tuer son chien on dit qu'il a la gale."
Ian
BARNES - Royaume-Uni - 1998
Les contraintes du discours technocratique
La conférence de consensus sur les OGM qui s'est tenue
au Royaume-Uni en 1994, si elle a réussi à créer les
conditions d'un débat relativement clair et riche, n'a pas réussi
à se sortir du cadre du discours technocratique pour mieux appréhender
les dimensions sociales, économiques, politiques et philosophiques
des problèmes soulevés par les biotechnologies.
La première conférence de consensus au Royaume-Uni s'est tenue
à Londres en novembre 1994 sur le thème de la biotechnologie
végétale. Ce qui distingue une conférence de consensus
d'autres formes de participation citoyenne aux choix technologiques est
le fait de mettre au centre des délibérations un panel représentatif
de citoyens qui, au moins en principe, a le pouvoir de décider lui-même,
après une période de préparation, d'information et
d'auditions préliminaires de certains experts, de l'ordre du jour
de la conférence et de la formulation des questions. La conférence
proprement dite dure trois jours et est consacrée à de nouvelles
auditions d'experts sur les questions posées par le panel, à
des délibérations en séance plénière
et à la rédaction d'un rapport final.
La conférence de consensus de Londres a constitué un succès
au moins à trois niveaux :
- sans aucune connaissance préalable, le panel de citoyens a fait
la démonstration de sa compétence et de sa capacité
à aborder un domaine aussi complexe ;
- la conférence a réussi à attirer et à faire
rester tout au long des débats un grand nombre d'hommes politiques,
d'experts, de fonctionnaires gouvernementaux, d'industriels et de représentants
d'organisations environnementales ;
- enfin elle a réussi à éclaircir le débat et
à le pacifier en allant au-delà d'un affrontement où
chacun camperait sur ses positions.
Malgré tout, la conférence de consensus a aussi échoué
à élargir la perception des problèmes posés
par la biotechnologie et à ouvrir le dialogue sur ses dimensions
morales, sociales, légales et politiques, y compris le problème
général de si les institutions scientifiques méritent
la confiance publique. Deux facteurs clés ont empêchés
cette ouverture du débat.
Premièrement, la discussion est resté enfermée dans
le cadre du discours technocratique dominant, qui rendait toute tentative
de prendre en compte d'autres dimensions de la question très difficile.
Tout s'est passé comme s'il était évident pour tout
le monde que l'évaluation de technologie restait avant tout une affaire
de techniciens : la différence hiérarchique entre savoir expert
et savoir profane a été maintenue, ce qui a empêché
l'expression de véritables alternatives.
Deuxièmement, les notions de 'public' et de 'consensus' retenues
se sont avérées en dernière instance trop ambiguës
et/ou restrictives. (Sur ce point, voir ci-après "Fabriquer
du consensus ?")
Conception et évaluation du risque
Le panel de citoyens a ainsi voulu porter une attention particulière
à la question des risques potentiels des OGM pour les communautés
humaines et pour l'environnement. Malheureusement, il a presque toujours
été supposé que l'évaluation de ces risques
était une procédure technique reposant sur l'application de
critères objectifs. Un des experts a ainsi pu déclarer que
le Comité Consultatif qui a pour tâche d'autoriser les lâchers
dans l'environnement devait éviter que des "idiosyncrasies
l'influencent et sapent son objectivité". Cette déclaration
n'a pas été relevée, ce qui dénote bien l'absence
de toute conception alternative de la construction sociale du risque. Pourtant,
dans le domaine de la gestion des risques, il est nécessaire de prendre
en compte non seulement les expérience in vitro, mais aussi les pratiques
contextuelles des acteurs. Les technologies ne peuvent être envisagées
comme des outils abstraits étant donné qu'elles sont toujours
prises dans les usages, souvent irréguliers et indisciplinés,
des divers acteurs impliqués.
Économie politique des biotechnologies modernes
De la même manière, plusieurs membres du panel de citoyens
et de l'assistance ont exprimé leurs inquiétudes quant aux
pouvoirs des multinationales à imposer des solutions contraires aux
intérêts des communautés
paysannes dans les pays du Nord comme du Sud. Mais, en l'absence d'une vision
globale claire, ces critiques ne purent fournir d'autres exemples que des
anecdotes qui furent facilement écartées par les représentants
de Zeneca Seeds présents à la conférence. Ces représentants
réussirent à imposer leur vision d'un marché
libre international compétitif et ouvert, en passant sous silence
la place stratégique des biotechnologies, comme moyen pour les entreprises
agro-industrielles d'étendre leur empire, dans l'économie
capitaliste globale, au même titre que les nouvelles technologies
de l'information, par exemple.
A la question de savoir si les OGM sont socialement utiles et nécessaires,
les discussions se sont également trouvées pareillement limitées
par les discours libéraux qui posent comme valeur ultime une plus
grande liberté de choix pour le consommateur.
Ainsi, le représentant d'une organisation de consommateurs, alors
qu'il était question de l'influence des OGM sur les communautés
rurales du Tiers Monde, a souligné de manière véhémente
qu'il était plutôt arrogant de décider à la place
de ces communautés, et qu'il fallait que les paysans du Sud fassent
leur propre "libre choix", tenant pour négligeables la
question des rapports de force et de l'absence
d'information transparente.
La question de la régulation des biotechnologies
et des relations entre secteurs privé
et public, malgré quelques discussion
très intéressantes sur la régulation au niveau européen
et sur la nécessité d'adapter les innovations à chaque
pays et à chaque contexte (ce qui nécessiterait l'implication
des recherches publiques locales dans des pays du Sud souvent dépourvus
de moyens), a elle aussi été abordée sous un angle
plutôt restrictif. Il y avait une tension évidente entre un
paradigme de marché basé sur
la liberté de choix individuelle et un paradigme
social basé sur la responsabilité et le bien-être
collectifs. Mais le discours dominant de la conférence est resté,
malgré la prégnance de ce débat au sein de la société
britannique, celui de la libre consommation et de la souveraineté
individuelle, limitant ainsi le rôle du gouvernement à maximiser
l'activité commerciale pour mieux servir les besoins des consommateurs.
Une éthique utilitariste
Le débat sur les significations éthiques plus larges des biotechnologies
s'est également vu restreint à une approche étroitement
utilitariste. Les deux experts concernés, deux universitaires dont
un homme d'église, se sont ainsi accordés pour dire qu'une
appréhension "équilibrée" des risques
et des périls des biotechnologies était nécessaire.
Selon l'un, les biotechnologies ne soulève
tout simplement pas de nouveaux problèmes moraux.
Selon l'autre, la tradition chrétienne s'accorde parfaitement avec
ces innovations, étant donné qu'elle a toujours considéré
l'homme comme un "co-créateur" participant à
la "rédemption de la nature".
Dans le rapport final est évoquée la possibilité que
"certaines parties de la communauté ressentent intuitivement
les biotechnologies comme mauvaises d'un point de vue moral", ce
qui suggère que le panel lui-même ait ressenti l'insuffisance
de cette approche étroite. L'inquiétude morale ressentie à
propos des biotechnologies ne concerne en effet pas seulement les possibles
avantages et désavantages sur la santé humaine et sur l'environnement.
Elle concerne aussi la philosophie de la nature
sous-jacente de la techno-science moderne,
qui considère le monde naturel dans une perspective de plus en plus
anthropocentrique et instrumentale, le transformant en ressource à
contrôler et exploiter. Bien plus, l'inquiétude porte aussi
sur l'extension de cette vision de la nature à la vie
humaine elle-même, via le développement rapide des biotechnologies
médicales. Ce souci moral "intuitif" engage donc l'ontologie
de la nature de la science industrialisée. Mais, encore une fois,
la voix de ceux qui, comme les écologistes, ont développé
la critique la plus incisive de cette ontologie, n'a pas pu être entendue
au cours de la conférence.
Dans la seconde partie de son article (voir ci-après "Fabriquer
du consensus ?"), l'auteur semble suggérer qu'une approche
moins unilatérale de la notion de 'public',
prenant en compte sa véritable diversité et laissant une place
importante aux organisations de la société
civile travaillant sur le thème des biotechnologies, aurait
évité cet enfermement dans le cadre de référence
technocratique.
Source : Ian Barnes, "Manufacturing consensus? : Reflections
on the UK national consensus conference on plant biotechnology",
'Science as Culture', Vol 5, Part 2, n° 23, p. 199-216.
Ian
BARNES- Royaume-Uni - 1998
Fabriquer du consensus ?
Lors de la conférence de consensus sur les OGM au Royaume-Uni,
des compréhensions trop restreintes des notions de 'public' et de
'consensus' ont conduit, sous prétexte de donner la parole à
un groupe de citoyens totalement profanes et désintéressés,
à laisser dans l'ombre la diversité de la société
britannique et sa capacité à faire émerger des propositions
alternatives.
La représentation du 'public' au sein du processus d'évaluation
de technologies était à l'évidence un objectif central
de la conférence de consensus nationale sur la biotechnologie végétale
qui s'est tenue en 1994 au Royame-Uni. Le comité de direction, aidé
par le Dr George Gaskell, maître de conférences en psychologie
sociale à la London School of Economics, avait fait très attention
à obtenir un panel largement représentatif du 'grand public'
britannique. De temps en temps pendant la conférence, il a été
sous-entendu par quelques orateurs (mais non pas par les organisateurs)
que le panel des profanes parlait au nom du public britannique en général,
et que le rapport final avait l'autorité d'un consensus public général.
Des 'publics' contestés
La notion de 'public' sous-entendue dans le
processus de la conférence de consensus pose des problèmes
considérables. Le terme est utilisé dans un sens 'résiduel'
pour signifier les gens non-experts ou profanes. Ainsi que Joss et Durant
le formulent dans leur examen des conférences de consensus, 'le
mot "public" est utilisé pour signifier les membres de
la communauté en général en tant que citoyens ou "profanes"
plutôt que scientifiques ou experts techniques'. Le terme est
aussi utilisé comme s'il supposait une homogénéité
ou une unité du 'grand public', ignorant
ainsi la multiplicité croissante des 'publics'
dans une société britannique de plus en plus pluraliste et
multiculturelle. L'apparente unité du
'public' reflète davantage les perspectives des élites politiques,
bureaucratiques, et médiatiques au 'centre' de la vie publique contemporaine
qu'une quelconque cohésion socio-culturelle. En d'autres termes,
le 'grand public' est unifié de par sa relation aux réseaux
de pouvoirs centralisateurs et unificateurs, plutôt que par un point
de vue commun sur les questions telles que la biotechnologie. Dans le contexte
de cette multiplicité de publics dans
la société britannique moderne, il y a des points de vue très
différents sur le caractère désirable ou non de la
nouvelle biotechnologie parmi les écologistes, les féministes,
certaines confessions religieuses, et d'autres groupes. Un processus de
consultation publique a besoin de refléter la diversité
des 'publics'; sinon il construit un 'public' selon ses désirs.
Cependant la 'publicité' ne devrait
pas être considérée simplement comme une fiction commode
des élites dominantes. À un niveau plus fondamental, 'la publicité'
est un principe moral et politique crucial. D'un côté, il exprime
un engagement à la construction de perspectives communes entre les
divers membres et intérêts qui composent une société;
de l'autre côté, il exprime l'exigence de maintenir un processus
de prise de décision ouvert et la responsabilité de ceux qui
sont au pouvoir. La 'publicité' fait donc référence
aux qualités d'une sphère de discours politique institutionnel
ouverte au dialogue plutôt que simplement à un corps collectif
de profanes. Nos identités, droits, et responsabilités publiques
en tant que citoyens sont définies par rapport à un tel régime.
Dans cette perspective, l'efficacité d'une conférence du consensus
sur la biotechnologie végétale dépend du maintien du
développement progressif de l'industrie dans les conditions institutionnelles
et discursives d'une sphère publique ouverte.
Nous ne devrions pas nous attendre à ce que la participation
d'un groupe de profanes (sans connaissance antérieure ni intérêt
porté à la biotechnologie) soit la meilleure ou seule façon
de remplir cette condition. Cela exige une culture
plus générale de dialogue et de communication authentique
avec toute la gamme des 'publics' qui sont concernés à un
niveau vital. Beaucoup d'entre eux: écologistes, organisations paysannes,
agences d'aide au Tiers Monde, etc., sont marginalisés par les groupes
et les réseaux politiques centraux qui
font actuellement la politique. Pourtant ce sont ces groupes qui sont les
mieux informés des contextes sociaux, politiques, et culturels de
la recherche, du développement, et de l'innovation dans le domaine
de la biotechnologie, et qui apportent aux débats politiques des
points de vue moraux et des savoirs pratiques bien différents de
ceux des élites centrales. Il est plus probable que ce seront ces
publics qui fourniront les ressources épistémologiques et
exerceront la pression politique pour créer un discours public plus
ouvert et mieux informé sur la biotechnologie et, par là même,
une culture au sein de laquelle la conférence de consensus serait
en mesure d'apporter une contribution efficace.
Consensus ou clôture ?
La notion de 'consensus' qui a guidé la conférence soulève
également des difficultés. Dans le contexte du grand nombre
de différends intraitables qui façonnent la vie politique,
le terme 'conférence de consensus' suggère un processus
de dépassements des désaccords sur les développements
technologiques entre les participants clés au débat. Dans
notre cas, le consensus recherché était plutôt modeste:
celui du panel des profanes lui-même. Pourtant il a été
parfois sous-entendu que ce processus était une manière de
réaliser un consensus plus large au sujet de la biotechnologie, une
'clôture' du débat qui permettrait à l'industrie de
se développer plus librement et plus rapidement. C'est ce qui était
clairement impliqué dans le titre de l'article introductif, "Vers
un Consensus Public sur la Biotechnologie". Il était sous-entendu
que le panel des profanes était un 'filtre' à travers lequel
les désaccords entre organisateurs et critiques pourraient être
débattus et résolus.
Consensus pour quoi ?
La conférence de consensus représente un instrument supplémentaire
précieux pour permettre à des citoyens ordinaires extérieurs
au processus bureaucratique d'influencer le débat public au sujet
de questions technologiques complexes. Il a la capacité de créer
un espace d'interaction et de dialogue authentique
entre preneurs de décisions, représentants des intérêts
industriels et experts d'une part et une série de publics concernés
de l'autre. La réalisation de son potentiel dépendra avant
tout de la question de savoir au service de quels objectifs
stratégiques il se met réellement. Comme Turner et Wynne le
font remarquer, la question clé à poser à une telle
forme de débat public est 'si l'objectif est d'obtenir une acceptation
inconditionnelle de la biotechnologie, une acceptation conditionnelle, ou
une gestion minutieuse des risques et des bénéfices aussi
bien sociaux qu'économiques et technologiques'.
La valeur de la conférence de consensus comme forme de délibération
publique dépendra aussi de la manière dont les institutions
existantes de prise de décision assumeront une culture
d'ouverture démocratique, de responsabilité,
et de participation citoyenne, une culture
qui pourrait alimenter des expériences innovantes de dialogue et
de consultation. Ainsi que je l'ai dit, le processus a aussi besoin d'inclure
les diverses organisations de citoyens qui
ont montré un intérêt continu - et souvent critique
- pour le domaine de la biotechnologie, et non seulement les citoyens ordinaires
sans intérêt particulier. Finalement, il requiert un discours
plus contextuel d'évaluation des risques, qui reconnaisse clairement
que l'évaluation de technologies ne peut pas être menée
en termes étroitement instrumentalistes mais doit s'ouvrir
aux questions sociales, politiques, morales et culturelles plus générales
qui y sont nécessairement impliquées. Une forme plus dense
et plus critique de dialogue public ne signifierait pas un coup d'arrêt
à l'innovation technologique au nom du bien commun. En fait, il pourrait
même permettre le développement d'une base plus solide de confiance
publique, et par là une appropriation
plus active, voire même consensuelle, d'une technologie et de ses
risques.
Source : Ian Barnes, "Manufacturing consensus? : Reflections
on the UK national consensus conference on plant biotechnology",
'Science as Culture', Vol 5, Part 2, n° 23, p. 199-216. Le présent
texte reprend la fin de cet article. Les références bibliographiques
ont été supprimées. Traduction de OP.
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