LES RETRAITES EN (10) QUESTION(S)

Jean-Marie Harribey
Association pour une Taxation des Transactions financières pour l'Aide aux Citoyens < Site ATTAC33
 Forum Social local :
FSL33
Enseignant/Chercheur en Sciences économiques et sociales
à l'Université de Bordeaux IV,
Membre du Conseil Scientifique d'ATTAC
 
  1. Dans un système de retraites par répartition comme dans celui par capitalisation, ce sont les actifs qui font toujours vivre les inactifs par leur activité productive ; dans les deux cas, ce sont eux qui «paient». Ce qui apparaît évident lorsque les retraites sont versées immédiatement après prélèvement de cotisations sociales est dissimulé avec les fonds de pension. Mais les rentes que ces derniers versent sont prélevées sur le flux de revenu global engendré par les travailleurs actifs et non sur un stock.

  2. L'augmentation du nombre d'inactifs par rapport aux actifs (2) sera de 25% en 40 ans (0,56% par an en moyenne). Et l'augmentation du nombre de retraités par rapport aux actifs sera de 75% (1,41 % par an). Jamais la productivité n'a cru moins vite. Nous ne souffrirons donc pas d'une insuffisance de richesses.

  3. Le pari de la bourgeoisie est que les futurs gains de productivité échapperont aux salariés et anciens salariés. L'accaparement de ces gains par les revenus du capital qui a prévalu depuis 20 ans perdurerait encore pendant les 40 ans à venir. Nous souffririons alors d'une répartition injuste des richesses.

  4. Si le montant des retraites en 2040 triple par rapport à aujourd'hui,cela représentera en France 450 milliards d'euros, quel que soit le système auquel s'impose la même évolution démographique. La capitalisation ne pourra donc jamais être une solution collective. Mais elle sera un problème collectif : (3) par la ruine des retraités s'il y a faillite boursière, par l'accentuation des inégalités sociales s'il n'y en a pas.

  5. Le prélèvement de 450 milliards de cotisations est présenté comme impossible. Comment un prélèvement de même montant deviendrait-il possible sous forme de primes d'assurance-retraite ou de vente de titres financiers ?

  6. Des systèmes par répartition et par capitalisation ne sont pas compatibles (6) à long terme car la rentabilité maximale du second ne peut passer que par le recul des salaires et de l'emploi à la base du premier. Sauf si l'on espère tirer parti des placements effectués dans des régions du monde moins développées mais où la population est plus jeune et est sous-payée. Mais alors, il s'agirait du laminage des salaires et de l'emploi chez les autres encore plus mal lotis. Une certaine gauche n'hésite pas à affirmer qu'il faut faire payer nos retraites par les Chinois, ou, plus pudiquement, qu'il faut que nous investissions à l'extérieur. C'est un appel à la spoliation impérialiste.


  7. Le projet d'allongement de la durée de cotisations (7) à 40, puis à 45 ans, qui équivaut à augmenter la durée du travail sur l'ensemble de la vie, est irresponsable tant que le chômage n'a pas été éradiqué. Il ferme les yeux sur l'entrée de plus en plus tardive dans la vie active. Il oublie que les entreprises se débarrassent des actifs au-delà de 55 ans. Il va à rebours de l'évolution qui consiste à utiliser une partie des gains de productivité à diminuer le temps de travail. Ce projet vise à reporter sur une masse salariale figée, en dépit des gains de productivité, la charge supplémentaire due à l'évolution démographique.

  8. La logique des fonds de pension et celle des fonds d'épargne salariale sont identiques. Lorsqu'une part de la rémunération salariale est versée sous forme d'abondement dans les fonds d'épargne, les organismes de protection sociale sont privés d'une fraction des cotisations sociales et la rupture entre l'évolution des salaires et celle de la productivité est entérinée. Cette rupture enclenchée depuis 20 ans par les politiques libérales d'austérité a détérioré la part de la masse salariale dans la valeur ajoutée (en France, 10 points de PIB, soit 140 milliards d'euros par an, presque l'équivalent des retraites actuelles).

  9. L`alternative n'est pas entre un système de répartition condamné si l'on ne travaille pas 45 ans et une organisation mixant répartition et capitalisation. Elle est de financiariser la société en détournant la valeur ajoutée vers le capital au détriment au travail, en accentuant les inégalités dans le monde, en soumettant la protection sociale à la règle du profit, ou bien de renforcer la protection sociale en répartissant équitablement les gains de productivité futurs pour que la masse salariale progresse au rythme de ceux-ci. La hausse de cotisations ne posera alors aucun problème, surtout si les profits sont mis à contribution et si le chômage recule.

  10. On en vient au dernier point qui rejoint le premier. Le plus difficile à comprendre pour tous ceux qui croient aux miracles boursiers, et plus généralement, aux vertus prolifiques du capital. Le capital engendrerait de la la valeur ajoutée et ses propriétaires mériteraient une part de celle-ci. C'est le fondement de la théorie libérale. C'est un mythe car le capital n'est valorisé que par le travail humain de plus en plus productif. Une preuve par l'absurde : si le capital était capable de s'auto-engendrer, les bulles financières éclateraient-elles ?

LOI sur l'épargne salariale (19-2-2001), avec mise en page.

Les plans partenariaux d'épargne salariale volontaire (PPESV)
Ces plans, qui viennent s'ajouter aux dispositifs d'épargne salariale déjà existants (participation, intéressement et plans d'épargne entreprise) constituent un outil d'épargne à long terme (10 ans, sauf déblocages anticipés exceptionnels) et sont créés et contrôlés par les partenaires sociaux au sein de chaque entreprise ou branche ou interentreprise. Ils sont alimentés à la fois par des versements des salariés et de l'employeur. La sortie se fait en capital ou en rente.
* Sur l'épargne-retraite et la financiarisation, voir Parti socialiste, socialisme parti (Le Monde, 10.06.03).

Positions syndicales (octobre 2000) =>
* Force Ouvrière considère que le taux de prélèvement attractif concédé à l’épargne salariale, et opérationnel au-delà du seuil d’exonération, aboutit à raréfier les ressources indispensables à la consolidation et au développement des régimes de retraite par répartition
* Pour la CFTC, ce dispositif doit conserver une logique d'épargne, la possibilité d'une sortie en rente doit donc être définitivement abandonnée. La CFTC considère par ailleurs que si ce nouveau plan d'épargne salariale comporte trop d'avantages fiscaux et sociaux en faveur des entreprises, il risque de pousser les entreprises à privilégier ces outils, au détriment des plans actuels d'épargne salariale à cinq ans et surtout à s'en servir comme d'un moyen de substitution à la politique salariale.
* Argumentaire anarcho-syndicaliste (2003) : "Notre avenir n'est pas à vendre" d'Alternative Libertaire.
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