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Reconsidérer
la richesse
Propositions pour l'Economie Solidaire
(résumé du rapport Viveret, 2000)
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Résumé du rapport
d'étape de la mission nouveaux facteurs de richesses
au Secrétaire d'Etat à l'Economie Solidaire, Mr Guy Hascoët
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Patrick VIVERET
conseiller référendaire à la Cour des Comptes
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I - Croissance, progrès,
développement [ vers
Haut,
II ,
III ,
IV
,
§V ,
VI ,
Bas
]
{cf. §4"
Croissance et développement" in "
Au-delà
de la rareté", de Bruno Ventelou}
La fameuse croissance du produit intérieur brut qui sert de boussole
à la plupart de nos responsables a en effet ceci de remarquable qu'elle
se moque de la nature des activités qu'elle additionne pourvu que celles
ci génèrent des flux monétaires. Elle comptabilise positivement
toutes les destructions.
Faute d'évaluer la nature des
richesses produites
ou
détruites, nous sommes condamnés
à voir nos outils actuels faciliter des comportements dangereux du point
de vue du bien commun (fondent le mythe des
producteurs et
des
ponctionneurs).
Refus de considérer comme productif le travail domestique + thèse
de la non productivité des services publics
Nous passons d'un univers où ce qui a vraiment de la
valeur
n'a pas de
prix, pour rentrer dans un autre où
ce qui n'a pas de prix n'a pas réellement de valeur.
Points aveugles des systèmes de comptabilités
nationales :
Impensé écologique (biens naturels gratuits), éthique (a
une valeur économique ce qui est solvable), politique (la démocratie
est réduite à une dimension minimale dans le libéralisme,
et dénoncée comme formelle dans le marxisme).
Le concept de croissance économique qui mesure la variation positive
du PNB en vient à s'identifier la notion de
Progrès.
Elle porte sur des flux, et surtout elle est indépendante de la
qualité
des biens produits ou consommés. Comme le note Jean Gadrey, la prétendue
économie du "
bien être" est en réalité
une économie du "
beaucoup avoir".
Les principaux pôles de
développement
de nos économies reposent désormais sur des secteurs comme l'éducation
et la santé qui exigent une très forte intervention humaine, en
temps consacré comme en qualité relationnelle. Et là le
concept de
productivité (cf. Le "
capitalisme
cognitif") devient carrément contreproductif : selon une
étude récente du B.I.T. on arrive à chiffrer les coûts
générés par le stress à 3% du PIB des pays développés.
Avec la comptabilisation actuelle, les politiques préventives ont pour
effet paradoxal de réduire la croissance.
La monnaie est l'étalon qui permet dadditionner
des éléments hétérogènes et donc de démultiplier
les échanges.
3ème fonction : réserve de valeur (après celle d'étalon
et celle de moyen d'échange).
Ces trois fonctions sont, en partie, contradictoires : c'est ainsi que la thésaurisation
(réserve de valeur), qui consiste à conserver de la monnaie, s'oppose
en partie a l'échange qui exige au contraire une circulation rapide;
et la fluctuation de la valeur de la monnaie crée elle même une
instabilité incompatible avec sa fonction d'unité de compte (étalon).
(1) Luniversalisation
de la monnaie facilite
léchange dans
lespace (monnaies convertibles) et le temps (épargne, investissement).
Elle peut aussi détruire léchange de proximité. C'est
à ce
déficit de proximité
que se sont attaqués tous les nouveaux mouvements d'échange locaux
(SEL, LETS, troc multiréciproque, banques du temps italiennes,
système time dollar américain).
En proclamant que le
lien est supérieur au bien,
il s'agit de de retrouver les fonctions pacificatrices de l'échange que
les monnaies officielles ont fini par occulter, de réinsérer l'être
humain au cur de cet échange où il finissait par disparaître
dans sa pure fonctionnalité économique de producteur ou de consommateur.
Le
droit de créer de la monnaie a, sans
véritable débat démocratique, été transféré
de fait aux banques à travers l'émission de
crédits.
Mais cette création monétaire, outre qu'elle répond dès
lors à des demandes solvables ce qui laisse de côté des
demandes collectives essentielles qui ne peuvent toujours être rentabilisées,
a aussi un
coût important, celui de l'intérêt.
Le projet à construire s'ordonne dès lors autour
de la mise en place de ce nouveau paradigme à promouvoir qu' est l'évaluation
démocratique des activités humaines dont la comptabilisation
monétaire n'est qu'un sous ensemble. Et cette évaluation est elle
même ordonnée, comme moyen, à une finalité qui est
celle d'un développement humain soutenable
(ou durable). Définir de nouveaux indicateurs au service du développement
humain, refuser la logique des jeux guerriers (gagnants/perdants) et promouvoir
des jeux coopératifs (gagnants/gagnants).
* celles, issues pour partie du cadre théorique du prix Nobel d'économie
Amartya Sen, des "indicateurs de développement humain"
(3 critères de l'IDH : l'espérance de vie, le niveau d'instruction
et le revenu), élaborés par le programme des nations Unies pour
le développement (PNUD => bilan du développement dans des domaines
comme la santé, le logement, l'éducation, le revenu, la scolarisation
des femmes, la mortalité infantile, l'environnement etc ainsi que dans
celui de "la sécurité humaine"). Caractère multidimensionnel
du développement.
* indicateur de "bien être" : projet de "Net
National Welfare" (James Tobin, USA, Japon) = Produit national retranché
de facteurs liés à des dépenses visant à réparer
les dommages infligés par la croissance.
* Sont ajoutés en revanche la consommation publique, les services rendus
par les équipements collectifs (écoles, équipements sanitaires
et sociaux, jardins publics); les services rendus par les biens domestiques,
les loisirs; le travail "de la ménagère" dans son foyer.
* indicateurs de destruction de capital "social" incluant les
coûts de la santé et les coûts sociaux. Activation massive
de dépenses de réparation vers le soutien à une économie
de la prévention et du recyclage. Il faut cesser de compter positivement
les facteurs de destruction. "Coût environnemental" : le "Pib
vert" s'obtient par déduction du coût lié à
l'utilisation de ce capital environnemental.
* "Bilan sociétal" : notation des entreprises
prenant en compte des critères sociaux et des critères de respect
de l'environnement.
La mort fondement de toute valeur : "Vis comme en mourant tu aimerais
avoir vécu" : cette phrase de Confucius, vieille de 2500 ans,
est toujours aussi actuelle. La mort nous oblige en effet à hiérarchiser
l'essentiel de l'accessoire. Face à la mort, les valeurs
fondamentales relèvent du sens et de la reconnaissance beaucoup
plus que du pouvoir et de la richesse.
De même que la monnaie est un sous ensemble de systèmes d'échange
plus vastes comme le temps, la valeur marchande
est un sous ensemble d'un système de valeurs
plus élevées (liberté, biens "naturels") dont
il suffit de simuler la perte pour découvrir l'importance. Et c'est précisément
la fonction des liens politiques, affectifs et
symboliques que d'organiser l'échange de ces valeurs fondamentales que
le marché ne peut assumer.
Il serait en effet utile, dans une perspective de
ré-appropriation
démocratique de la monnaie, de faire porter, dans la lignée
des expériences de "
budget participatif"
(2),
une partie du débat civique sur la quantité et la nature des droits
de tirage en monnaie affectée qui seraient décidés au moment
des votes. Il est essentiel, si l'on veut rétablir le lien entre contribution
publique et
citoyenneté, (cf. l'article
14
(3) de la déclaration
des droits de l'homme et du citoyen) de développer des méthodes
et des outils qui donnent au citoyen une compréhension et un pouvoir
plus direct quant à l'affectation de l'argent public.
Eviter que les moyens électroniques de paiement échappent à
tout contrôle démocratique : monnaie électronique solidaire
(dénommée 'sol').
Il y a une profonde différence entre marché et capitalisme ou
entre économie de marché et société de marché.
Et cette différence tient justement au fait que le cur de la
logique
passionnelle à l'uvre au sein du capitalisme relève beaucoup
plus de la puissance entendue comme goût de la
domination
que de la simple
possession d'objets ou de monnaie.
La logique de guerre économique qui condamne à l'exclusion, à
la misère et souvent à la mort les perdants de ce jeu dangereux.
Et la preuve que nous sommes bien dans l'ordre passionnel et non dans celui
des besoins et de la rationalité c'est que cette guerre que l'on nous
présente comme liée à des logiques de rareté et
de survie se situe dans un contexte où les
besoins
fondamentaux des six milliards d'êtres humains pourraient être
satisfaits avec un minimum de
rationalité
dans l'organisation des ressources (les dépenses mondiales de publicité
représentent dix fois le montant des sommes qui seraient nécessaires
pour éradiquer la faim, permettre l'accès à l'eau potable
pour tous les humains, les loger décemment, combattre les grandes épidémies).
PROPOSITIONS :
* - projet de
carte civique d'échange et de paiement
(lien avec projet de chèque associatif); expérimentation en partenariat
avec le groupe Chèque déjeuner;
* - projet de
monnaie électronique solidaire (dit "
sol");
expérimentation initiée avec plusieurs partenaires de l'économie
sociale comme la Macif, Chèque déjeuner , des medias soutenant
les initiatives de
l'économie sociale et solidaire
(Le Monde diplomatique, Politis, TC, Transversales Science Culture...) des collectivités
locales innovantes; la possibilité de développer également
l'expérience dans le Nord en particulier avec un réseau d'échange
interassociatif situé à Valenciennes et de s'appuyer sur la Caisse
de crédit solidaire a été également envisagée.
Des contacts sont également pris avec la fondation des caisses d'épargne.
* - projet d'expérimentation en France des systèmes de
crédits
temps inspirés de l'expérience italienne (banques du temps)
et américaine (time dollar); projet de loi sur le temps des villes et
les temps sociaux ; congés solidaires/civiques.
* logique de la
taxation à des valeurs détruites, systèmes
de bonification pour les valeurs ajoutées d'utilité sociale, utiliser
une partie des dépenses de réparation pour financer des projets
limitant ou évitant des coûts de destruction
* partenariat avec le PNUD
* transformation de la
comptabilité nationale prenant en compte
les
richesses écologiques et humaines
* Utilisation des travaux issus du bilan social/sociétal, des comptabilités
"
vertes" en vue d'une réforme du
plan comptable
et de l'intégration des données écologiques, sociales,
sanitaires, civiques dans les rapports légaux des entreprises
Patrick VIVERET
conseiller référendaire à la Cour des Comptes
(1)
* Fiches
d'expériences participatives : conférences de
consensus, NIP, panel des citoyens, sondage d'opinion délibératif,
forums de discussion.
* Réseau
local pour HLM
* Sites sur les S.E.L. (Systèmes d'échange local) =>
Présentation
, SELidaire
(Etudes),
TransverSel
* Portails de l'économie sociale et solidaire => Place
Publique , Adie
(Assoc. pour le Droit à l'Initiative Economique), Adels
(Assoc. pour la démocratie et l'éducation), Globenet
( l'Internet associatif & solidaire), IRIS
(Imaginons un Réseau Internet Solidaire), Acrimed
(Critique média), RAS
(Réseau Associatif et Syndical).
* L'écologie-politique
|
(2)
Sur les budgets participatifs, voir le site de MediaSol sur le FSM 2003 :
Sao Paulo, an II, et
premier bilan.
(3) Art.
14 de la Déclaration des Droits de l'homme de 1789 : "Tous
les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants,
la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement,
d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette,
le recouvrement et la durée".
Télécharger les Déclarations
(35k, "Zip" => Droits_H.rtf + d_h_u.rtf), ou la Constitution
Française (29k, "Zip" => fichier d'aide 'hlp' (118k).
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