De la nature du crédit d'impôt
et de son corollaire, la prime à l'emploi |
Francine BAVAY des Verts, Conseil Régional IdF à paraitre dans "Mouvements". |
Date: 08 Fév 2001 De : "emmanuel videcoq" <emmanuel.videcoq@wanadoo.fr> À : Liste AC <ac-forum@ras.eu.org> Sujet: [ac-forum] Contre la prime à l'emploi |
Si le crédit d'impôt n'accroît
pas l'offre de travail , le lecteur objectera qu'il va lutter efficacement
contre la pauvreté en redistribuant
25 milliards de francs vers les salariés les plus démunis
qui, bien sûr, dans un premier temps y gagnent. Pourtant les effets
pervers apparaissent immédiatement quand on sait que les précaires
passent rapidement d'une situation à l'autre
(4). Les chômeurs
risquent de se voir soupçonner de ne pas accepter
n'importe quel boulot et, si les chômeurs sont soupçonnés
de fainéantise, la remise en question des minima sociaux risque de
ne pas être loin.
(5)
Et le SMIC est en sursis.
Si l'Etat prend en charge une partie de la rémunération des
salariés, l'existence d'un salaire minimum ne se justifie plus. Quand
on sait que le SMIC concerne en priorité les catégories à
très faible pouvoir de négociation, femmes, jeunes, employés
de services les moins qualifiés, le lien
SMIC (ou demi-SMIC) et minima sociaux crève
les yeux.
C'est donc un double effet pernicieux, et sur
le Smic et sur les minima sociaux irréductiblement liés au
salaire minimum, qui est à prévoir. Vision extrêmement
pessimiste, s'écrira-t-on. A laquelle on rétorquera que le
pire n'est jamais sûr mais qu'une vision lucide des tendances à
l'oeuvre est la seule vision durable.
L'impôt négatif a déjà montré ses effets
pernicieux. Il a occulté le nécessaire
débat sur les minima sociaux qui sont, en France, inférieurs
à une large majorité des pays européens. Sans compter
les jeunes de moins de 25 ans, exclus du bénéfice
du RMI.
----- Message d'origine -----
De : emmanuel videcoq <emmanuel.videcoq@wanadoo.fr>
À : Francine Bavay <francine-bavay@wanadoo.fr>
Cc : Yann Moulier Boutang <yann.m.boutang@wanadoo.fr>
Envoyé : 7 février 2001
Objet : Tr : [dynamiquesvertes] Débat sur la "Prime
à l'emploi et le revenu citoyen".
(1)
Le rapport de Pisani-Ferry - et celui de Belorgey - est téléchargeable
à la page
"MotivéEs".
Pisani-Ferry montre par ailleurs que la PPE
peut être contre-productive dans la lutte contre le chômage
: (p163) "Les aides personnalisées
à la recherche d'un emploi sont plus efficaces pour réduire
la durée du chômage que le versement de primes au retour à
l'emploi (survey de Denis Fougère)". Il rappelle que (p169)
"Le plein emploi est autre chose qu'un objectif quantitatif."
pour en déduire qu'il faut "préférer
la redistribution par l'emploi à d'autres formes de redistribution
du revenu." et que (p170) "La vraie mesure du succès
n'est donc pas la seule réduction du chômage.
Il faut que s'y joigne la résorption du sous-emploi
latent.". Enfin, il recommande que la "stratégie
soit aussi partagée que possible",
ce qui, depuis l'agrément de la convention Unédic qui a vu
les principaux intéréssés écartés, montre
qu'il manque un pilier à la réussite de ces mesures.
Denis Fougère, dans le complément
H à ce rapport, note aussi que (p322) "un accroissement des
aides personnalisées à la recherche d'emploi s'accompagne
d'une réduction de la durée
moyenne de la période de chômage
indemnisé. Cette baisse est en général supérieure
à celle qui résulte des expériences avec bonus.",
et (p324) "qu'à la différence des expériences
offrant des primes, les expériences sur les aides à la recherche
d'emploi n'incitent pas à essayer de bénéficier de
l'assurance-chômage. Parce qu'elles améliorent l'appariement
entre chômeurs et emplois vacants, elles induisent moins
d'effets de déplacement et d'éviction". Enfin,
ces aides "permettent en outre aux bénéficiaires d'accéder
à des revenus salariaux plus élevés, et ne semblent
pas présenter d'effets secondaires indésirables sur les demandes
d'ouverture de droits".
Edmond Malinvaud, constate aussi que : (p359)
"En ce qui concerne la liquidité du
marché du travail, les programmes d'aides
directes à la recherche d'emploi sont parmi les moins
coûteux et apportent systématiquement des résultats
positifs."
(2)
Edmond Malinvaud, dans son commentaire au rapport
Pisani-Ferry, rappelle pourtant que : (p220 "Parmi les recommandations
adressées à la France par l'OCDE
dans le cadre de sa Stratégie pour l'emploi, sont surtout négligées
celles qui concernaient soit la protection de l'emploi
des salariés disposant de CDI, soit la détermination
des salaires (extension administrative des conventions collectives,
salaire minimum)".
(3)
in Rapport Pisani-Ferry (*),
complément E (Jérôme Gautié)
: "Déclassement sur le marché
du travail" : "en France, le lien diplôme-qualification
est relativement lâche, la grille de qualifications et donc de salaires
relativement rigide. La relative rigidité des salaires va entraîner
une pénurie globale d'emplois, qui elle-même va entraîner
des phénomènes de file d'attente."
* "c'est par rapport à la contrainte portant sur la durée
de travail qu'est défini le sous-emploi :
il comprend les personnes travaillant à temps partiel qui désirent
accroître leur durée de travail, ainsi que les personnes qui,
pendant la période de référence, ont effectué
un nombre d'heures inférieur à leur durée normale de
travail ;
* la notion d'emploi inadéquat regroupe
notamment les situations d'inadéquation de la qualification à
l'emploi occupé (notamment la « surqualification » découlant
d'un déclassement). Sur l'ensemble de la décennie, le niveau
moyen de formation des jeunes actifs a fortement
progressé : alors que le nombre de titulaires de diplômes de
3e cycle ou grandes écoles augmentait de près de 70%, celui
des sans diplôme ou niveau CEP baissait de moitié.
Il est tout aussi important de s'intéresser à la nature des
diplômes qu'à leur niveau quand on s'interroge sur leur adéquation
à la demande des entreprises. Cependant, on a vu que même pour
des diplômes tels que les BTS et DUT - qui sont, à leur niveau,
vraisemblablement les plus «employables» -, la proportion des
jeunes actifs surqualifiés restait non
négligeable. La conjonction de l'explosion scolaire et de l'atonie
de l'emploi depuis une dizaine d'années a permis aux employeur
d'embaucher facilement des surdiplômés : ce phénomène
a pu contribuer à augmenter leur niveau d'exigence, sans que ce soit
nécessairement justifié par les caractéristiques des
postes à pourvoir."
(4)
Jean-Michel Charpin, dans son commentaire au
rapport Pisani-Ferry, rappelle cependant l'objectif de «qualité»
des emplois et la nécessaire "sécurisation des parcours
professionnels", qui implique de faire intervenir "la question
de l'organisation des transitions entre les
contrats CDI et CDD", avec "la perspective
de droits liés à l'activité professionnelle
et pas seulement à l'emploi, et la formation continue, pour déboucher
sur un droit individuel, transférable et collectivement garanti".
(5)
On peut trouver une critique du social-libéralisme
du rapport Pisani-Ferry - "Plein emploi" - sur le site
de la fondation Copernic.
Celle-ci, intitulée "Pour
un plein emploi de qualité" a été rédigée
par un collectif de chercheurs et de syndicalistes. On peut y lire ceci
:
"* Il y a un choix implicite dans le rapport Pisani-Ferry, celui
de ne pas remettre en cause la part des profits
dans la richesse produite. Linversion
des rapports de force au profit du patronat, que lon peut lire dans
le recul (10 points) de la part des salaires dans
la valeur ajoutée, semble pérenne.
* Contrairement à ce quaffirme Pisani-Ferry, aucune étude
basée sur des données effectives n'a réussi démontrer
que les baisses de cotisation sociales ont
été un facteur de création demplois
et nous ne sommes pas enfermés dans le choix mortifère entre
hausse des salaires et création demplois.
C'est au contraire l'augmentation du pouvoir d'achat
des salaires qui a été une des causes de la reprise.
* La PPE vise à reporter sur la collectivité ce qui
ressort de la responsabilité des entreprises - payer des salaires
-, et constitue une remise en cause larvée du SMIC, par ailleurs
sérieusement bousculé ces dernières années."
(*) Les rapport de Belorgey,
"Minima sociaux, revenus d'activité, précarité",
et celui de Pisani-Ferry, "Plein emploi", sont téléchargeables
à la page
"MotivéEs".
Voir aussi les propositions très actuelles pour l'Economie Solidaire
"Reconsidérer
la richesse" (résumé du rapport Viveret, 2000).
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