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Notre avenir
n'est pas à vendre
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Cinq raisons de se battre pour la
défense des retraites (même quand on est jeune !)
L'UMP comme le PS, le MEDEF et la CFDT, tous les gestionnaires du libéralisme
veulent casser le système de retraites actuel en introduisant un système
dit de "capitalisation", lié à la Bourse. Pourquoi
faut-il combattre la retraite par capitalisation?
Les fonds de pension, c'est quoi ?
Ce sont des fonds complémentaires de retraite, pour lesquels chaque salarié
pourrait cotiser sa vie durant. Les sommes récoltés sont jouées
en bourse par l'entreprise dans laquelle vous travaillez ou par une société
privée (type compagnie d'assurance ou banque). Et lorsque vous arrivez
à l'âge de la retraite, les fonds doivent vous verser une pension...
L'objectif officiel de l'Etat et du patronat, c'est d'obliger les salariés à compléter, par capitalisation, une retraite dont le montant sera de plus en plus réduit à l'avenir. Le montant de la retraite ne dépendra alors plus des dernières fiches de paie. Il ne sera pas non plus indexé sur les salaires ou sur les prix. Il dépendra du succès avec lequel on aura fait "fructifier" cette épargne. En effet leur gestion serait confiée à des organismes privés, chargés de les placer en bourse pour en obtenir le meilleur rendement ce qui reviendra à jouer sa retraite en bourse.
A qui est-ce que ça profite réellement
?
Les salariés n'ont à peu près
rien à y gagner qu'une précarisation
accrue de leur retraite. Denis Kessler, n°2 du Medef, n°1 du lobby des
compagnies d'assurance et véritable idéologue du patronat, ne
cesse depuis des années de réclamer la création de fonds
de pension en France. Les assureurs se frottent
les mains car ils se verraient à coup sûr confier le placement
de cet argent en bourse, et toucheraient des dividendes sur les profits qu'ils
dégageraient. Les patrons se frottent les
mains, car pour confier l'argent de leurs salariés à ces assureurs,
ils pourraient exiger en retour que ces fonds soient placés dans leur
entreprise.
Que se passe-t-il lorsqu'ils sont mis en place ?
Tout d'abord, ils précarisent les retraités,
qui sont à la merci d'une crise financière comme le capitalisme
en crée épisodiquement. Ensuite, ils renforcent
la domination des capitalistes sur les travailleurs. Aux USA, où
il n'y a quasiment pas de régime de retraite, les fonds de pension privatisés
représentent 20 000 milliards de dollars ; en Grande-Bretagne, 7 000
milliards de dollars. Ces masses financières énormes servent à
la spéculation en bourse, en vue de bénéfices
rapides. On connaît la suite : au nom de la productivité, leur
intérêt est de pousser à pressurer les salariés,
pour engranger plus vite davantage de profit
on se souvient des licenciements boursiers
chez Michelin en 1999. On en arrive à des situations où c'est
avec l'argent des grands-parents que l'on exploite plus férocement les
enfants.
Quel va être le prétexte idéologique ? Un échantillon de quelques fumisteries
Gaspillage, insécurité, détournement...
la triste histoire des fonds de pension
Les premiers systèmes de retraite mis en place au début du
19e siècle étaient des systèmes par capitalisation. Avec
la crise monétaire du début des années vingt, de nombreux
épargnants furent ruinés. Idem avec la "grande dépression"
des années 1930. A partir de la fin des années 1930 et surtout
après 1945, à un moment où le mouvement ouvrier était
en position de force, le système par répartition s'est imposé.
Ce n'est qu'à partir des années 1970 que la capitalisation fait
son retour, avec les fonds de pension.
Plusieurs grandes affaires illustrent bien la redoutable "efficacité"
du système par capitalisation
1991 : Maxwell part avec la caisse.
Robert Maxwell, magnat de la presse britannique avait cru pouvoir renflouer
son empire défaillant en pillant les fonds de pension de ses employés
(près de 750 millions d'euros), avec la complicité de ses banquiers
et de son cabinet d'audit. Ce fût malgré cela la faillite, puis
la ruine de ses salariés et des petits actionnaires. Au total, 32 000
salariés ont été spoliés.
2001 : Enron s'effondre sur ses
salariés.
Pendant quinze ans le groupe Enron s'est développé grâce
à la déréglementation du marché de l'énergie,
à la corruption de sa bureaucratie et de la classe politique et surtout
grâce à des comptes largement bidonnés avec la complicité
d'Arthur Andersen, le cabinet d'audit le plus prestigieux du monde. Un beau
jour, cette compagnie, qui était devenu la septième des Etats-Unis,
s'écroule.
En un an, sa valeur boursière a été divisée par
350. Or 60 % des fonds de pension destinés à financer la retraite
des employés d'Enron étaient investis en actions Enron... Pour
les 40 000 salariés, c'est donc, en plus de la perte de leur emploi,
l'annihilation de leur "épargne salariale" (plus d'un milliard
de dollars) et de leur couverture retraite. A cette catastrophe, il faut ajouter
la volatilisation des fonds de pension pour des milliers d'autres salariés
qui avaient cru au cours mirobolant de l'action Enron en bourse.
La trentaine de dirigeants de l'entreprise, eux, sachant le crash proche, ont
au dernier moment vendu toutes leurs actions, empochant avant de tirer leur
révérence un peu plus de 1,1 milliard de dollars...
juin 2002 : les salariés-actionnaires
de Vivendi perdent tout.
En juin 2001, Vivendi lançait un vaste programme d'épargne salariale.
Il s'agissait de consolider le capital du groupe en poussant les salariés
à y investir leur argent, et d'essayer de développer une culture
d'entreprise en leur faisant croire que Vivendi leur appartenait un peu (les
salariés représentant 4 % de l'actionnariat). Un an plus tard,
patatras. "Les gens vont perdre à la fois leur emploi et leurs
économies", comme le confiait au Monde (en date du 4 juillet)
un cadre de Vivendi proche de Messier.
juillet 2002 : les retraités
suisses escroqués par l'Etat et le patronat
Sous la pression des compagnies devenues insolvables avec la crise boursière,
le gouvernement suisse les a autorisées à verser aux retraités
moins que ce qu'elles leur devaient, sabrant dans les pensions pour permettre
au patronat de mieux respirer.
Bien évidemment, quand les marchés financiers étaient florissants,
et que les fonds étaient rentables, les compagnies ont gagné beaucoup
d'argent, qu'elles n'ont bien sûr pas redistribué aux retraités,
mais aux actionnaires...
juillet 2002 : la faillite titanesque
de Worldcom.
La faillite du géant américain des télécommunications
Worldcom, encore plus gigantesque qu'Enron, encore plus bureaucratique et corrompu,
ont entraîné une chute de 99 % de la valeur de l'action. Worldcom
avait 60 000 salariés. Combien, dans l'affaire, ont perdu leurs économies
? Au-delà, ce sont des centaines de milliers de travailleurs américains
qui se retrouvent précarisés par l'affaissement de la Bourse.
37,5, 40, 42,5 ou 45 annuités : quel
sens ont ces chiffres ?
Le nombre d'années de cotisation n'a rien d'un stérile débat
de chiffres : il dit prosaïquement la possibilité ou l'impossibilité
pour un travailleur d'avoir son droit à la retraite. Depuis Balladur
en 1993, les travailleurs du privé doivent atteindre 40 annuités
de cotisation pour prétendre toucher 100% de leur retraite.
Imaginons donc une jeune employée moyenne qui, après avoir décroché un BTS, rentre sur le marché du travail à 20 ans (l'âge moyen, en France, de l'entrée dans la vie active est de 22 ans). Si elle veut avoir droit à sa retraite complète, il faudra qu'elle travaille de 20 à 60 ans sans interruption, sans période de chômage ce qui est quasi impossible.
Selon un rapport de 1998 au Sénat, la durée moyenne de vie active s'est réduite de 40,9 ans en 1981 à 37,4 ans en 1996. Donc demander, comme le prévoient le PS et la droite, 42,5 annuités ou, comme le Medef, 45 annuités, cela revient à dire que plus personne n'aura droit à 100 % de sa retraite à 60 ans.
Pour l'instant les régimes de retraite complémentaires (Arrco et Agirc) assurent la différence, mais exploseraient sous l'effet d'un allongement de la durée de cotisation.
Alors pour atteindre cet objectif toujours plus lointain, il y aurait le fameux "troisième étage"... la capitalisation. Place aux riches !
Pour les pauvres, le Medef et la CFDT ont songé à une alternative. Pour atteindre le nombre d'annuités nécessaire, on pourrait instaurer la "retraite à la carte", et "faire sauter le verrou de la retraite à 60 ans". Autrement dit, certains salariés auraient la "liberté" de travailler jusqu'à 70 ans s'ils veulent toucher une retraite complète. C'est ce qui se passe en Grande-Bretagne, où les fonds de pension, par ailleurs incapables d'assurer une retraite décente aux retraités, ont considérablement affaibli la retraite publique. Le gouvernement travailliste, au lieu d'augmenter les cotisations patronales, parle donc de reculer l'âge de départ en retraite à 67, voire 70 ans.
Travailler plus, gagner moins, enrichir les compagnies d'assurance : non, décidément, 37,5 ou 42,5, ça n'a rien d'un débat de chiffres !
La pyramide des âges contre la capitalisation
Brisons un mythe : la baisse du nombre d'actifs par rapport aux inactifs (retraités
notamment) menace tout autant le système par capitalisation que le système
par répartition.
Dans l'imagerie, le schéma est simple, comme dans ce spot de pub pour une banque, diffusé en 2001 : "Non papa, je ne paierai pas ta retraite, car ma génération est numériquement trop faible pour entretenir la tienne. Donc cotise à un fonds de pension qui est une sorte de grosse tirelire, et prépare tes vieux jours toi-même."
Bien sûr, dans la réalité, la "capitalisation" des salariés ne se fait pas sous la forme d'un trésor enterré au fond du jardin, et leur assurant une forme de sécurité. Ce serait ignorer la volonté des capitalistes à mettre la main sur le magot.
Les cotisations que vous confierez à un fonds de pension ou à votre entreprise seront dépensés, soit en investissements productifs, soit en achats d'actions en bourse. Votre entreprise aura, en quelque sorte, des dettes envers vous. Or, selon une étude publiée en mai par la banque Morgan Stanley (Le Monde Economie du 19 juin 2002), de nombreuses multinationales plieraient rapidement sous le poids des dettes contractées envers leurs retraités. Et de citer l'exemple de Bethleem Steel, une entreprise qui avait cinq salariés cotisants pour un retraité dans les années 1980, et se retrouve avec le ratio inverse vingt ans plus tard : un terrible choc budgétaire pour l'entreprise, au moment de régler les pensions. Ajoutez à cela l'instabilité profonde du marché capitaliste et de la bourse, et l'opacité généralisée des comptes des grandes entreprises, et vous comprendrez que la capitalisation représente un réel danger pour les naïfs qui y auraient souscrit.
A moins qu'une fois de plus le capitalisme aille chercher le pompier habituel: l'Etat. Incapables de prendre leurs responsabilités, coupables d'un gaspillage et d'un drame social de grande ampleur, les grandes entreprises exigeraient de l'Etat qu'il règle leurs dettes "au nom de l'intérêt général". Un scénario cynique, mais à la limite plus rassurant que ce qui s'est passé en Suisse en juillet 2002.
Une alternative : la redistribution des richesses
La société produit toujours plus de
richesses, mais qui sont de plus en plus mal réparties.
Depuis 30 ans, le produit intérieur brut (PIB, indice de la richesse
produite sur le territoire français) a doublé, pour atteindre
en 2001 1 468 milliards d'euros selon l'Insee. Pourtant, la part des salaires
et des prestations sociales (assurances vieillesse, chômage, maladie
)
dans le PIB a continuellement baissé sur la même période.
En effet, en 1980, 70 % de la richesse produite revenait aux travailleurs sous
forme de salaires et de prestations sociales. Aujourd'hui, ce ne sont plus que
60 %. Le reste va au capital (patrons, actionnaires...).
Les 10 % manquants représentent 146 milliards d'euros : une somme fabuleuse
qui, à elle seule, pourrait assurer un revenu décent à
tou(te)s les retraité(e)s, les chômeur(se)s, les jeunes en formation...
Il n'y a pas de "problème des retraites", il y a un
problème d'appropriation par les capitalistes
des richesses produites.
Il est donc hors de question de faire encore payer les travailleurs.
Contrairement à ce qu'on veut nous faire croire, la richesse produite
est largement suffisante pour subvenir aux besoins de tous et de toutes.
La redistribution des richesses, ça
s'impose ! Sous forme de salaires, d'embauches, de prestations sociales. Il
n'y a rien à lâcher, il y a tout à reprendre ! Nous n'avons
rien à attendre de la gauche institutionnelle (PS, PCF, Verts...). Comme
en mai 68, comme en décembre 95, il faudra une grande mobilisation collective.
Il faut empêcher l'introduction des fonds de pension tout en dépassant
le système actuel, trop inégalitaire.
Le système de retraites repose sur deux idées fondamentales :
1) la solidarité intergénérationnelle
: ce sont les actifs d'aujourd'hui qui se cotisent pour faire vivre les inactifs
(retraités, chômeurs...) ;
2) l'assurance-vieillesse : pour prétendre
à une pension, il faut remplir certaines conditions, dont celle d'avoir
cotisé plusieurs dizaines de trimestres.
Si le point 1) est parfaitement légitime, et rationnel du point de vue
de la création de richesses, le point 2) est beaucoup plus discutable
: quand par exemple de nombreux jeunes ne peuvent trouver du travail, la société
leur interdit à terme de disposer d'une retraite
décente. Ainsi, à l'arrivée certains ont des retraites
très confortables, alors que d'autres sont condamnés à
vivre leurs vieux jours en-dessous du seuil de pauvreté. Un revenu
décent devrait être un droit
inconditionnel.
Les capitalistes cherchent à annihiler le point 1) et à se servir
du point 2) pour détourner à leur profit l'assurance-vieillesse.
Il est logique que l'ensemble des travailleur(se)s se battent dans une logique
radicalement inverse, au-delà du seul combat pour :
* un retour aux 37,5 annuités de cotisation
pour tou(te)s
* droit à la retraite à 55 ans
pour tou(te)s, avec la totalité des droits quelle que soit la durée
de cotisation
et avec l'embauche correspondant aux emplois libérés
;
* abolition de toute forme de capitalisation (fonds de pension, épargne
salariale, stock-options
) qui gangrène le système actuel
;
égalisation et revalorisation des retraites ;
* financement des retraites en augmentant les cotisations
sociales du patronat : il faut être "réaliste"
et "faire des sacrifices"!
* refus de la cogestion comme de l'étatisation ds organismes sociaux
(Sécu, assurance-chômage, etc.) et réappropriation
par les assurés sociaux de leur gestion.
Les administrateurs devant être élus, rendre compte de leur mandat
et être révocables par ceux qui les ont élus.
Pour en savoir plus :
Les Retraites au péril du libéralisme, coordonné par Pierre
Khalfa et Pierre-Yves Chanu (éd. Syllepse).
Fonds de pension piège à cons?, Frédéric Lordon
(éd. Liber/Raisons d'agir)
Medef, un projet de société, Thierry Renard et Voltairine de Cleyre
(éd. Syllepse)
Les retraites en (10)
question(s) de Jean-Marie Harribey, Membre du Conseil Scientifique d'ATTAC
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