Bordeaux, le 19-10-2001 Recommandé A.R.
Alain DONNART - Informatique et Traductions -à
Madame la Présidente
Il me semble utile de préciser que le dirigeant de votre société
que vous évoquez est votre propre fils, à qui je signalais
que vous aviez fait une erreur en laissant ma lettre du 7 Février
sans réponse .
Que vous disiez que vous étiez en voyage ne peut justifier que vous
n'ayez pas lu une lettre dont vous avez signé l'avis de réception,
et même si ce n'est pas vous qui l'avez signée, cela impliquerait
que dans votre société, le courrier n'est pas transmis à
son PDG. Après 2 ans de correspondance avec vos proches et vous-même,
mettre plus de 7 mois pour daigner répondre à la première
victime déclarée de faits que vous reconnaissez en partie
n'est pas une grande preuve de "diligence", et montre plutôt
que, contrairement aux affirmations de votre directeur du 3-11-99
, vous n'avez pas pris cette affaire "avec tout le sérieux qu'elle mérite".
Dès votre première phrase d'ailleurs, vous limitez les faits
aux seules vendanges 1999, et vous n'évoquez ensuite nulle part les
autres victimes.
Lorsque vous attribuez le retour régulier d'une "grande
partie des vendangeurs" à l'esprit convivial que
vous déclarez avoir maintenu, beaucoup d'autres domaines pourraient
aussi se prévaloir d'un faible turn-over, et ce, d'autant plus qu'ils
sont éloignés de Bordeaux. Moi-même m'était rapproché
depuis Margaux vers chez vous, bien que dans ce cas on puisse effectivement
parler de cet esprit (concrétisé notamment par une simplicité
de la direction, une bienveillance de l'encadrement à toute épreuve,
et l'intéressement des employés fixes).
Vous attribuez à ce même esprit convivial l'aspect largement
(?) positif des réponses à votre questionnaire. Vous oubliez
sans doute que, pour la majorité, il s'agit de salariés sous
contrainte d'embauche répondant à leur actuel/futur employeur.
Vous oubliez peut-être aussi que, depuis 2 ans, certains vendangeurs
sont libérés de cette dépendance, et que j'ai la garantie
que plusieurs parleront.
Vous dites que "Monsieur Delmas a sanctionné sévèrement
les responsables". Fort bien, mais d'une part ni lui ni
vous n'évoquez aucun mesure prise envers les victimes,
alors que la priorité est inverse, et d'autre part, n'y aurait-il
point d'autres responsabilités que celles des auteurs directs des
faits ? Les auteurs n'auraient pu continuer leurs "mises en benne"
si les chefs d'équipe n'avaient fermé les yeux. M. Delmas
devra assumer la responsabilité d'avoir "diligenté"
une enquête sans essayer d'obtenir le témoignage circonstancié
des victimes, de n'avoir pas tenu sa parole d'informer la première
victime déclarée (c'est vous qui m'informez de "sanctions
sévères"), et d'avoir fait obstacle à l'établissement
et à la diffusion (recel de preuves à l'égard de victime)
de la vérité. Malgré cela, vous êtes "certaine
que Monsieur Delmas a fait de son mieux pour faire respecter ces valeurs
familiales". Mais comment pourrez-vous justifier de croire quelqu'un
dont les actes ne sont pas à la hauteur de ses paroles ?
Enfin, le Directeur et vous-même devrez justifier l'absence d'excuses
présentées, a fortiori de propositions de dédommagement,
malgré la reconnaissance d'une partie des faits.
Lorsque vous regrettez que je ne vous aie pas "informé
de cette affaire en temps et en heure", vous semblez oublier
aussi que j'avais le choix entre m'éloigner vers un domaine plus
accueillant ou essayer de faire la paix avec les tractoristes, et vous ne
pouvez ignorer que j'ai fait ce dernier choix (cf 25-9-99
p2). Pour ma part, je regrette que depuis 2 ans que vous êtes
"informée de cette affaire", vous n'avez pas encore
envisagé l'hypothèse que je puisse dire vrai.
Croyez-vous que j'ai pris le risque d'inventer cela, alors que je suis,
économiquement parlant, dans la position du pot de terre contre le
pot de fer, et que j'aurai pris le risque de payer les dépens dans
ma situation ?
D'autre part, cette hypothèse est à considérer pour
une raison à la fois morale et existentielle : je vous invite vivement
à adhérer à ma conviction qu'il vaut mieux dire la
vérité, non uniquement en raison d'un "impératif
catégorique" ou d'une crainte de châtiment, mais parce
qu'il est de notre propre intérêt de considérer qu'on
n'échappe pas à son inconscient et qu'il convient donc de
le ménager, voire de l'aménager.
Comme M. Delmas devra répondre de m'avoir qualifié d'importun,
vous devrez préciser ce que vous entendez précisément
par vos termes "menaces" et "diffamations",
et si vous ne pouvez apporter des précisions, j'exigerai d'autres
excuses. De plus, vous évoquez mes "insinuations disant que
la Direction ait pu être témoin de votre incident sans réagir".
Dans la mesure où l'on peut considérer que la Direction commence
au niveau de Directeur, non seulement je vous défie de trouver dans
mes lettres une citation de sens approchant, mais il faudra aussi ajouter
aux motifs de plainte celui d' "affirmation inventée et calomnieuse".
Enfin, chacun appréciera votre amalgame.
Autre invention un peu condescendante avec "Nous regrettons que
vous ne gardiez de votre expérience dans notre société
qu'un souvenir amer" : plutôt que de reconnaître une
vérité que vous n'appréciez pas, vous projetez sur
moi un profil d'aigri qui est loin d'être le mien. Je pense au contraire
que certains fruits ne sont appétissants que lorsqu'on en a ôté
les pépins. Là aussi "votre société"
est un amalgame de personnes dont je garde un plus ou moins bon souvenir,
alors que vous voudriez que je jette le bébé avec l'eau du
bain.
Dans la même veine inventive, vous déclarez "comprendre
ma colère concernant le regrettable incident", pour renchérir
sur ma peinture d'un personnage aigri qui serait aussi colérique.
Veuillez savoir qu'une recherche faite par ordinateur sur le mot "colère"
dans toutes les lettres de cette correspondance ne fournit qu'une occurrence,
celle figurant dans votre lettre, et je vous défie de citer une seule
de mes phrases contenant un sens approchant. Si je parle de "ressentiment"
dans ma 1ère lettre du 25-9-99,
c'est pour évoquer non celui que les victimes pourraient éprouver,
mais celui de ceux qui regrettent moins les violences que leur dénonciation
; il convient ici d'avoir une pensée pour le reste du personnel qui
pourrait être affecté, et auquel je ne peux venir en aide qu'en
lui conseillant de réfléchir au cas récent des salariés
d'AOM, victimes de votre voisin de bureau.
J'ai par contre employé plusieurs fois les mots de "dignité, respect, excuses", face aux termes de "violences & atteintes aux biens avec préméditation & récidives". Vous n'évoquez aucun des premiers concepts, et pour enchaîner avec le reproche que j'ai déjà adressé à votre directeur, vous tentez de minimiser les faits en les limitant à mon seul cas, à une seule année, et à un seul "incident". J'éviterais de condamner votre façon de faire, comme vous le faites à mon égard, alors qu'il revient à la justice de juger ces tentatives d'étouffer les faits et d'ignorer les victimes.
Vous n'éprouvez que des regrets alors qu'il faut plutôt des excuses et des engagements clairs si l'on "pense à l'avenir de façon positive"
A la suite de votre Directeur et de son avocat, vous réitérez la faute consistant à ne considérer que les aspects matériels, accessoires et déclarés comme tels (l'enveloppe vestimentaire : cf. point 3 de mes commentaires du 26-1-01), alors qu'il n'est point parlé de valeurs telles que la dignité. Les seules valeurs évoquées sont les valeurs familiales, alors qu'il s'agit ici plus largement de valeurs claniques : défense des intérêts des actionnaires majoritaires d'une société anonyme dont le but déclaré est lucratif, rapports basés plus sur un modèle de vassalité féodal que sur les principes universels fondateurs de notre république (d'un côté, une partie de l'encadrement expulse sur-le-champ un vendangeur pour violences verbales, de l'autre il ferme les yeux pendant plusieurs années sur des violences physiques répétées commises par des membres du personnel permanent : est-ce là accorder un respect égal à chacun ?).
Même faute, mais commise pour la 3ème fois au sujet du nettoyage
des vêtements (cf 9-11-00
et 26-01-01).
Idem pour les "justificatifs" (cf mes commentaires
du 26-1-01),
et à ce sujet, le devis de 2000F que je vous ai adressé le
9-11-2000 montre que votre affirmation selon laquelle "un chèque
de 1500F couvrira largement les dépenses" est mensongère,
et qu'elle ne tient compte que d'un seul des 6 préjudices énumérés
dans cette lettre. Puisque, par exemple, je viens de finir 14 jours de vendanges
"sur les rotules" (j'ai encore 2 ampoules sur la main), et que
pour la 2ème année consécutive j'ai subi en plus la
contrainte de l'éloignement du lieu de travail, n'est-ce point la
confirmation que le préjudice perdure, ce que vous persistez
à ignorer ?
Idem pour le recours immédiat à vos avocats avant proposition de dédommagement aux victimes. Puisque vous feignez d'ignorer ce que j'ai écrit en 1er point de mes commentaires du 26-1-01 , "Que M. J.B. DELMAS préfère donner de l'argent à un avocat plutôt qu'aux victimes - des saisonniers avec peu de ressources - aggrave son cas.", je demanderai que les autres victimes se partagent - à titre de dédommagement - le double des honoraires que vous leur verserez.
Enfin, pourquoi vous obstinez-vous à parler d'argent pour un règlement amiable (excluant les autres victimes), alors que vous répondez à ma lettre du 7-2-01 dans laquelle je vous déclare clairement que "vous voudrez bien considérer comme nulle ma demande de règlement amiable tant que des excuses personnelles n'ont pas été présentées aux victimes" ?
Pour toutes ces répétitions, et parce que les victimes, dont certaines pourront être mes témoins (et pourraient même se joindre à moi et faire valoir leur droit à une réparation, ne serait-ce que morale), devront bien être révélées par une enquête indépendante - la vôtre semblant bien sujette à caution - ainsi que parce qu'il faut trancher le point de savoir qui dit la vérité et qui n'a pas envie de la découvrir, je demanderai donc à la justice de réévaluer à la hausse l'estimation du "pretium doloris", comme je vous en avais prévenu (le 7-2-01), pour qu'elle tienne compte de tous les préjudices que j'ai recensés et sanctionne cette ignorance des victimes, que l'on peut qualifier maintenant de mépris (après 2 ans de correspondance, et malgré la reconnaissance d'une partie des faits & des responsabilités).
Puisque vous refusez toujours d'envisager la possibilité qu'il y ait eu d'autres victimes, je ne peux vous offrir une dernière possibilité d'éviter un procès que si je n'exige pas pour les autres aussi le droit fondamental - inscrit dans la constitution - de chacun au respect et à la dignité. Nous verrons bien si c'est la conception d'une justice égale pour tous ou celle d'une justice appliquée à un seul qui va l'emporter. Bien sûr, on vient de voir des affaires "saucissonnées", des hélicoptères dans l'Himalaya, des renvois d'ascenseur entre responsables du sommet de l'état peu profitables à la crédibilité de nos institutions à l'étranger, des annulations de procédure pour vice de forme, des loges maçonniques un peu trop "claniques" au sein même de l'institution judiciaire, certaines pratiques locales visant à préserver la tranquillité des notables plutôt que de reconnaître les droits de chacun, ou visant à freiner l'application des lois pour la protection des plus faibles ... Mais restons optimistes, d'abord parce qu'il y a encore des juges intègres (Eric de Montgolfier, Van Ruynbecke et son homologue suisse...), ensuite parce qu'il nous appartient de perfectionner le fonctionnement de la société, ne serait-ce que pour profiter soi-même d'une vie plus "conviviale", enfin parce que des instructions générales ont été adressées à la magistrature pour sanctionner sévèrement les atteintes à la dignité jusqu'ici impunies car "traditionnelles" ("bizuthages",...;), et qu'ici, en outre, il y a eu des violences physiques.
Face aux catastrophes que vous déplorez, et pour les éviter
à l'avenir, il faudrait examiner les causes de la violence,
et poursuivre les coupables ne sera jamais aussi efficace que de tarir sa
principale source : les inégalités et les injustices. Vous
parlez de New-York, mais est-il juste de ne pas parler aussi de Sabra &
Chatila, et de ne pas voir la source de ces violences dans la violence quotidienne
faite par les puissants à des populations auxquelles le droit de
forger leur destin est nié depuis 25 ans ?
Comment en effet éradiquer le phénomène kamikaze (ou
des actes comme celui de Werner) si la justice ne protège pas mieux
et plus rapidement (Papon, Pinochet...) les faibles des abus des puissants,
et si on laisse à penser à certains qu'ils n'ont d'autre recours
pour exercer leur droit à la résistance à l'oppression
? Pour ma part, j'invite chacun à se joindre au point de vue de la
LDH, qui "rappelle avec force que certains actes ne doivent pas
rester impunis", et je me permets d'ajouter : même s'il ne
s'agit que d'une condamnation de principe.
Si vous ne vous préoccuppez pas de la dignité des gens, profitez
de l'inégalité et de son renforcement (inflation conséquente
des cours des grands crûs et développement d'une bulle spéculative
hors de tout contrôle, versus une régression de la part salariale
dans la richesse produite accompagnée du développement d'un
chômage de masse et de la précarisation de l'emploi), et minimisez
les injustices, vous êtes partie du problème plus que de la
solution.
Quant à l'aspect désintéressé de notre action,
je connaissais déjà la variante des politiques cumulards prétendant
lutter contre le chômage. Dans le cas présent, alors que votre
Directeur déclare que "l'on ramasse de l'or à la propriété",
c'est juste risible. Pour en parler sérieusement, je me dois d'évoquer
l'argument qu'avait utilisé un de mes compagnons de route en s'adressant
à Soeur Emmanuelle, à savoir que la charité
ne doit pas être un ersatz de la justice.
Ite, missa est.
Je vous prie de bien vouloir agréer, Madame la Présidente, l'expression de mes sentiments distingués.
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