Bordeaux, le 25-9-99 Recommandé A.R.

Alain DONNART - Informatique et Traductions -
14 rue François-Lévêque 33300 Bordeaux
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à
M. BARATIER
Chef de culture au Château Haut-Brion
33608 PESSAC Cedex


Monsieur

  Le passage prochain au 3ème millénaire est une bonne opportunité pour faire évoluer certaines traditions d’un autre âge.
Je vous écris après les vendanges et ne suis pas allé vous parler directement de ce sujet car j’estime être ainsi à l’abri des tracasseries, menaces et violences que j’ai encore subi cette année parce que je persiste à considérer ainsi certaines pratiques :
que diriez-vous si l’on vous jetait dans une benne comme cela s’est produit l’an dernier et cette année (cette fois, de plus, j’avais une montre et des lunettes dans une poche intérieure située dans un endroit proche du cœur), qu’on jetait vos bottes dans les vignes, et qu’en outre on menaçait de vous déculotter publiquement ou qu’on vous bâillonnait avec un adhésif d’emballage comme l’a été le vendangeur Jacques (celui à qui vous avez donné un pull) l’an dernier ? Soutiendriez-vous qu’il s’agit là d’innocentes plaisanteries ?
La justification par la tradition est non seulement fausse (chez vous, car j’y ai effectué les vendanges il y a 30 ans et tel n’était pas le cas ; pas plus que dans d’autres crûs prestigieux car les deux années précédentes, je les ai faites au Château MARGAUX sans que j’aie pu observer de tels agissements de la part des ‘gens du Château’), mais aussi et surtout moralement inacceptable.

J’ai l’intention de lancer ‘le vrai débat moral qui s’impose’ et de dénoncer publiquement, par tous les moyens de communication à ma disposition (télévision, radios locales, forums des sites internet vinicoles, emails des élus régionaux, CD, supports papier…) les graves atteintes à la dignité portées aux vendangeurs sur certains domaines et notamment dans un 1er grand crû classé, ainsi que les violences diverses exercées en bande organisée.
D’ores et déjà, je prends des mesures de sécurité pour que ces faits soient diffusés même si un fâcheux accident m’arrivait, ce qui par là même diminue le risque de coïncidence malheureuse.
En outre, sauf reconnaissance de la gravité de ces faits, garanties à m’apporter afin qu’ils ne se reproduisent plus, et réparations à convenir à l’amiable, je citerai nommément les responsables et complices, et je porterai plainte au pénal. Dans ce cas, les qualifications probables seraient plutôt celles de voies de fait (peut-être sans l’intention de blesser mais en tout cas sans s’inquiéter de blessure éventuelle par verre cassé ou sécateur) avec préméditation & récidive ainsi que de déprédations de bien d’autrui (direction faussée à mon scooter, pneu crevé l’an dernier au vélo d’une vendangeuse). Vous savez sans doute l’instruction générale donnée par le Ministre de la Justice pour sévir contre les dérives inadmissibles – comme le sont les humiliations et les violences physiques - de certaines traditions d’intégration (bizutages..).

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Les faits sont ici plus graves car il ne s’agit pas ici d’intégrer (un rite d’initiation/de passage n’est subi qu’une fois par l’impétrant) mais de soumettre (cf. les livres « Le harcèlement moral » et « l’Entreprise barbare »).
En effet j’ai proposé la paix depuis le début des vendanges, cette paix a été refusée par un des deux tractoristes, et jusqu’au dernier jour la coalition des ‘vassaux’ s’est élargie.

Je suis prêt à vous aider à trouver une solution amiable en acceptant - comme vous avez accepté que ‘Roberto’ reporte sur vous son ire tous azimuts - de prendre sur moi la frustration de ceux qui confondent la force avec le droit et pourraient être contraints à respecter autrui par le pouvoir judiciaire. Je compte sur vous pour leur rappeler que la vie en société n’est vivable que sur la base du respect mutuel et leur faire méditer cette belle phrase de Rousseau : ‘le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le plus fort’. Si d’un côté je dois vous remercier – et je le fais sans réserve – pour votre compréhension lors de mon embauche, ainsi que pour avoir trouvé une solution non violente au problème posé par le manque de respect – et c’est un euphémisme - que Roberto avait témoigné à l’égard du chef d’équipe, d’un autre côté je ne pourrai accepter que vous ne preniez pas les mesures suffisantes pour faire cesser les agissements des tractoristes, car en tant que chef de culture vous avez autorité sur eux. Soyez assuré que je ne veux nullement vous mettre dans l’embarras, mais vous devez aussi comprendre qu’il serait masochiste de ma part de continuer à accepter ce genre de traitement sans réagir et qu’il est de mon devoir d’essayer d’empêcher que d’autres vendangeurs le subissent à ma suite. Votre responsabilité serait engagée si vous n’interveniez que lorsqu’il s’agit d’un chef d’équipe alors que le respect est dû à chacun.
Je me suis adressé à vous parce que vous avez montré savoir-faire preuve de compréhension ainsi qu’en vertu du principe de subsidiarité.
Maintenant, je tiens à obtenir rapidement les apaisements nécessaires. Un gage de bonne volonté serait par exemple de faire savoir que ce n’est pas en claquemurant portes et fenêtres qu’on empêchera la mauvaise conscience de ternir les regards et de les rendre fuyants.
Dans le cas contraire, je me verrais alors aussi contraint de porter ces faits à la connaissance de M. J.B. DELMAS ainsi qu’éventuellement à celle des propriétaires qui doivent avoir à cœur de défendre le classement de leur crû et nous verrions bien si la noblesse du cœur correspond à celle des titres.
Enfin, même si des bonnes résolutions sont prises pour les vendanges prochaines, vous comprendrez sans peine qu’il n’est plus question pour moi de refaire les vendanges l’an prochain dans cette propriété, car le ressentiment ne sera sans doute pas complètement dissous. Il faudra donc tenir compte du manque à gagner dans le dédommagement des préjudices.

   J’ose croire que notre bonne volonté commune permettra que la fête ne soit plus gâchée et que votre réponse ne me décevra pas.

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